Sévères les Toccatas, des partitions d’atelier, de la rhétorique ? Une méprise a poursuivi le cahier depuis que Glenn Gould les a imposées du piano comme de pures éléments d’abstraction.
Les clavecinistes eux-mêmes auront tenu le cahier à distance, semblant perdus devant ce Bach jeune home qui ressemble si peu à celui qu’il sera, et explore sur son clavier des mondes dont il se fera l’écho bien plus tardivement en en réinterprétant ces premières audaces au point de les masquer totalement.
Le modèle était pourtant trouvé, et pas si abstrait que cela : Frescobaldi. Bach, toujours curieux de ce qui se faisait de l’autre côté des Alpes, aura saisi dans cette forme ramassée et complexe de quoi affirmer son génie singulier.
L’ombre des organistes, celle de Buxtehude surtout, plane aussi sur le recueil par défaut que deviendront les cinq premières Toccatas, mais Christophe Rousset les pense absolument comme des œuvres de pure clavecin, versicolores, agiles, capricieuses, inféodant la forme à la fantaisie d’un discours dont il savoure les audaces.
De la musique sévère ?, jamais !, mais une syntaxe aventureuse qui se libère à mesure, au point d’échapper dans les deux dernières : la sol mineur et son incroyable finale de tempête, le concert varié en trois volets de la Toccata en sol majeur, flamboient sous ses doigts impérieux qui emportent un roide clavecin allemand anonyme dont les âpres beautés sont idéales pour ces Toccatas visionnaires.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Toccata en ré mineur,
BWV 913
Toccata en mi mineur,
BWV 914
Toccata en fa dièse mineur,
BWV 910
Toccata en sol mineur,
BWV 915
Toccata en ré majeur, BWV 912
Toccata en ut mineur, BWV 911
Toccata en sol majeur, BWV 916
Christophe Rousset, clavecin
Un album du label Aparté AP275
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Photo à la une : le claveciniste Christophe Rousset – Photo : © Nathanaël Mergui