La ténèbre dont Ferruccio Busoni entoure le choral de Bach dit assez des pôles opposés que le pianiste veut visiter. Une lumineuse, et très classique, Cinquième Suite française en est comme la négation. Tant d’élégance et de naturel, un tel plaisir pris aux danses, ferait plutôt croire qu’Andrew von Oeyen préférerait poursuivre chez Bach, mais puisque soufre il doit y avoir, il faudra plonger dans le Romantisme, ce siècle qui proclame Belzébuth à l’opéra mais au piano aussi : la Première Méphisto-Valse est pourtant plus élancée que diabolique sous les doigts du pianiste franco-américain, son côté dandy la rend irrésistible, comme cette Bacchanale de Samson et Dalila dont le compositeur n’a pas résisté à acclimater au piano l’orgie finale.

Quelques perles sombres parsèment l’album : les deux opus de MacDowell sont précieux comme tout ce qu’il composa pour le piano (fabuleuse Hexentanz, croquée avec gourmandise), pourtant le plus beau du parcours reste la part solaire mais aussi mystique : les élévations du Regard de l’Eglise d’amour, de l’In Paradisum du Requiem de Fauré acclimaté par le pianiste, inspirent ce grand piano si avide de lumière.

LE DISQUE DU JOUR

Angels & Demons

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Nun komm, der Heiden Heiland, BWV 659 (arr. pour piano seul : Busoni ; No. 3, extrait des « 10 Chorale Preludes, BV B 27 »)
Suite française No. 5 en sol majeur, BWV 816
Concerto pour clavier en ré mineur, BWV 974 (extrait : II. Adagio)
Edward MacDowell (1860-1908)
Rhapsodie (No. 5, extraite de la « First Modern Suite, Op. 10 »)
2 Fantasiestücke, Op. 17 (extrait : No. 2. Hexentanz)
Franz Liszt (1811-1886)
Méphisto-Valse No. 1, S. 514 « Der Tanz in der Dorfschenke »
Claude Debussy (1862-1918)
Suite bergamasque, CD 82 (extrait : III. Clair de lune)
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Samson et Dalila, Op. 47, R. 288 (extrait : Bacchanale ; version pour piano du compositeur)
Olivier Messiaen (1908-1992)
Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus (extrait : No. 20. Regard de l’Église d’amour)
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Requiem, Op. 48 (extrait : VII. In paradisum ; version pour piano solo : Von Oeyen)

Andrew von Oeyen, piano

Un album du label Warner Classics 5021732380784
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Photo à la une : le pianiste Andrew von Oeyen – Photo : © DR