Anna Shelest n’a pas froid aux yeux, s’attaquer au Deuxième Concerto de Prokofiev, l’un des plus athlétiques du répertoire, reste la propriété quasi exclusive des hommes, il y faut une poigne, des épaules, et dès le premier mouvement une sacré endurance. Mais après tout un des premiers pianistes à l’enregistrer fut justement une pianiste, Dagmar Baloghová, et pour rien moins que pour Karel Ančerl.
Anna Shelest n’aura pas la puissance de son aînée, mais sa musicalité, la finesse toujours sarcastique de son approche rendent comptent de l’esprit même de l’œuvre, et sa technique lui permet de faire mieux que de survivre au précipité du Scherzo. L’orchestre d’Ostrava, pour modeste qu’il soit, est tout acéré, fusant, épiçant encore l’ironie, et inspirant la pianiste dans un Finale où le visage de l’œuvre change radicalement : ses épisodes égarent bien des solistes, pas elle.
Son Premier Concerto, débarrassé de tout grandiloquence, joué rapide et leste, manque peut-être d’attaque, mais décidément ce clavier aîlé a une vraie présence, rendant justice à une certaine tradition de pianistes ukrainiens qui auront fait les beaux jours de cette fameuse école russe qui dut tant aux musiciens de Kiev, Kharkiv ou Odessa.
LE DISQUE DU JOUR
Sergei Prokofiev
(1891-1953)
Concerto pour piano No. 1 en ré bémol majeur, Op. 10
Concerto pour piano No. 2 en sol mineur, Op. 16
Anna Shelest, piano
Janáček Philharmonic
Orchestra
Niels Muus, direction
Un album du label Sorel Classics SC CD006
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Photo à la une : la pianiste Anna Shelest – Photo : © DR