Acmé

Le Steinway, de pure beauté, chante loin, porte les polyphonies, les fait fluides sous les doigts si simples de Cédric Pescia. Son Clavier bien tempéré, paru en 2017, inexplicablement m’avait échappé, moi qui avais tant aimé ses Goldberg pour Claves, si je me souviens bien son premier disque, puis son Art de la Fugue.

Les fugues, sous un regard si inspiré, évitent toute rhétorique, s’élèvent jusqu’à une lumineuse spiritualité, contrastant en lumière avec des Préludes plein de caractères, vrais petits théâtres de sentiments, d’émotions, brèves aventureuses, feuilles multicolores sous des doigts véloces, éloquents surtout, y infusant les humeurs d’une Empfindsamkeit qui pointe le bout de son nez.

C’est faire Le Clavier bien tempéré non plus bréviaire, mais à travers les deux Livres conduire l’auditeur dans un atelier ouvert sur le futur. Là se joue, dans les contrastes des préludes et des fugues, la rencontre de deux mondes, et le piano est son médium omniscient : la versatilité de la touche, l’ampleur des dynamiques dont parfois le « più piano » rappelle comme Bach chérissait son clavicorde.

Les couleurs qui se forment dans les polyphonies font le voyage enivrant, il ne déparera pas face aux certitudes d’Edwin Fischer, à l’orgue imaginaire de Samuel Feinberg, il est comme la négation éclairante du jusqu’au-boutisme salvateur de Glenn Gould, et semble lui répondre par son opposé : un orchestre chante dans ce piano, palette expressive qui exauce ce texte que Gould serrait dans les portées, tout un monde nouveau, exaltant, dont les mystères interrogent jaillit de cette boîte de pandore qu’il ne faut pas craindre d’ouvrir.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Le Clavier bien tempéré,
Livres I & II,
BWV 846-893

Cédric Pescia, piano

Un coffret de 4 CD du label
La Dolce Volta LDV38.1

Acheter l’album sur le site du label
La Dolce Volta ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter les albums en haute-définition sur Qobuz.com Vol. 1 et Vol. 2

Photo à la une : le pianiste Cédric Pescia – Photo : © Bernard Martinez