Qu’on ne s’y trompe pas, ce que célèbre cette belle boîte est autant l’anniversaire de William Christie que celui des Arts florissants, son enfant qu’il aura laissé croître à ses côtés, nourri de ses appétits pour le Grand Siècle français, l’Italie de Monteverdi, les royaumes d’Albion fondés par Purcell, Blow, Haendel, et dont il a confié aujourd’hui les destinés à Paul Agnew, s’en réservant pourtant l’usufruit afin d’y implanter quelques jeunes pousses de son Jardin des voix.
Au fond, le second périple discographique, après les débuts vert et or pour harmonia mundi, est comme une immense excroissance végétale dont certains rameaux auront abordé de nouveaux cieux : dix-sept ans, 60 CD passés. L’étendue du jardin est vaste, jusqu’à Mozart et Haydn, jusqu’à Méhul même (la rare Stratonice), les styles mêlés. Mais toujours, on se délecte d’abord en France, et par ces Motets lorrains de Desmarets où les couleurs ambrées, les chants déliés, le latin expressif posent les canons d’un art dont la constance définit les arcanes d’un style qui s’incarne dans ce son clair, ailé, reconnaissable immédiatement.
Ce que William Christie aura apporté à notre Grand Siècle, c’est un rayonnement solaire, des comédies-ballets de Lully aux Motets de Mondonville, de l’immense anthologie Charpentier qui tire le fil de la constance depuis l’époque harmonia mundi, aux tragédies lyriques et aux opéras-ballets de Rameau où il resserre des chanteurs d’abord tragédiens, ou encore aux italianismes partagés et pourtant si différents de Campra et de Mondonville.
C’est le socle de ce monument si vivant, où il faudra savourer le legs Purcell, complément aux gravures harmonia mundi qu’il parachève, et écouter attentivement les albums Haendel : le claveciniste y paraît pour les Sonates avec violon, mais on ira d’abord aux opéras, et à cette Alcina qui seule peut regarder dans les yeux celle de Richard Hickox, affichant face à la magicienne d’Arleen Auger, l’amoureuse brisée de Renée Fleming.
Il ne faudra non plus négliger cet Enlèvement au sérail, cette Zauberflöte, ni laisser de côté cette Création, mais par où commencer ? Par le feu le plus sombre de ce grand soleil, la Médée de Charpentier où Lorraine Hunt est demeurée inoubliable, le mot, l’émotion, l’intensité du chant, tout un art que William Christie aura su exalter.
LE DISQUE DU JOUR
William Christie
&
Les Arts florissants
The Complete Erato Recordings
John Blow, Giovanni Bononcini, André Campra, Marc-Antoine Charpentier, Francesco Bartolomeo Conti, François Couperin, William Croft, Henry Demarest, Andre-Ernest-Modeste Grétry, Sigismondo d’India, Georg Friedrich Haendel, Joseph Haydn, Pelham Humfrey, Michel Lambert, Stefano Landi, Jean-Baptiste Lully, Francesco Mancini, Benedetto Marcello, Domenico Mazzocchi, Etienne Méhul, Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, Claudio Monteverdi, Wolfgang Amadeus Mozart, François-André Danican Philidor, Nicola Porpora, Henry Purcell, Jean-Philippe Rameau, Luigi Rossi, Alessandro Scarlatti
Les Arts florissants
William Christie, direction
Un coffret de 61 CD du label Erato 50021732276995
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Photo à la une : le chef William Christie, dans ses jardins –
Photo : © Julien Gazeau