Triade tragique

Le corpus est le plus mal aimé parmi les sonates pour violon et piano du Romantisme, alors même que le génie de Schumann y est à son comble dès l’Opus 105 dont l’élan sombre n’aura peut-être jamais trouvé une traduction mieux sentie que celle osée par Alina Ibragimova et Cédric Tiberghien. Cet archet qui parle, ce piano de tempête qui pourtant chante, l’alliage est magique, et comme à revers de celui, bien plus expansif qu’y imposaient Christian Ferras et Pierre Barbizet.

Ces opus des ultimes années de Schumann sont hantés par une secrète terreur que déjà Christian Tetzlaff et Lars Vogt avaient su débusquer (Ondine), c’est peu dire que les nouveaux venus font jeu égal avec cette version que je croyais insurpassable, le kaléidoscope tonal autour du motif F-A-E dans la Troisième Sonate étant plus expressif ici, détail parmi tant d’autres qui différencie les approches de ces deux duos inspirés.

Surtout, il faut un violon diseur, car ces trois œuvres sont parcourues de contes, animées d’une écriture rhapsode dont les deux amis saisissent toutes les humeurs, en ardant les contrastes, alliage éloquent qui exalte cette triade singulière où le fantasque se teinte d’une fièvre tragique. Je range cet album précieux au côté de celui d’Ondine, l’un éclairant l’autre.

LE DISQUE DU JOUR

Robert Schumann
(1810-1856)
Sonate pour violon et piano No. 1 en la mineur, Op. 105
Sonate pour violon et piano No. 2 en ré mineur, Op. 121
Sonate pour violon et piano No. 3 en la mineur, WoO 27

Alina Ibragimova, violon
Cédric Tiberghien, piano

Un album du label Hypérion Records CDA68354
Acheter l’album sur le site du label Hypérion, sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr ― Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

Photo à la une : la violoniste Alina Ibragimova et le pianiste Cédric Tiberghien – Photo : © Benjamin Ealovega