2003–2013. Mari Kodama aura enregistré son intégrale des Sonates sur dix années, le temps de les assembler disque à disque dans des programmes toujours dictés par une logique musicale, et de donner à son propos et à son jeu l’ampleur et le ton que réclame le piano de Beethoven.
Je ne reviendrai pas sur la beauté intrinsèque de sa sonorité, ni sur le somptueux Steinway D-274 qui l’aura accompagné tout au long de ce voyage, préparé avec art par Michel Brandjes. Mais il faut souligner encore une fois à quel point la prise de son du studio Polyhymnia reste un modèle de naturel : enfin un piano capté sans artifice, dont le clavier ne claque pas, et qui fait entendre la profondeur de ses harmonies.
Que l’on n’attende pas de Mari Kodama la folie noire et les humeurs de Maria Grinberg ou l’invention toujours surprenante de Friedrich Gulda au cours des trois intégrales qu’on lui connait. Non, ce piano profond et pourtant lumineux, qui chante naturellement, ne cherche jamais l’effet lui préférant un discours d’abord musical – à ce titre sa Waldstein est exemplaire, jamais dans la description du paysage mais toujours dans son émotion – et envisage Beethoven exactement à la place qu’il occupe, entre classicisme et romantisme. Le cantabile est plus d’une fois magique – la longue phrase de l’Adagio sostenuto de la Hammerklavier semble se dérouler pour gagner l’infini – l’intensité du jeu harmonique si construit est telle qu’on perd la notion d’improvisation. Tout ici est architecture spirituelle.
A vrai dire, je n’ai pas entendu d’intégrale aussi achevée, aussi particulière, depuis celle de Stephen Bishop Kovacevich dont elle serait d’ailleurs l’exact opposé. La sérénité qui s’en dégage, la hauteur de vue du discours, la splendeur sans ostentation de ce jeu pianistique magnifique me forceront à y revenir, comme je reviens à Kempff, à Schnabel ou à Arrau.
LE DISQUE DU JOUR
BEETHOVEN (1770-1827)
Sonates pour piano Nos. 1 à 32 (Intégrale)
Mari Kodama, piano
Un coffret de 9 CD du label Pentatone PTC5186490
Photo à la une :
(c) Vincent Garnier