Dudamel : les épices de la 7

Gustavo Dudamel a connu des fortunes diverses en se frottant aux symphonies de Gustav Mahler. Une formidable et explosive 5e Symphonie révélait et le chef et son orchestre vénézuélien bien plus qu’un précédent album Beethoven. On était en 2007.

Sept ans plus tard, le jeune prodige est revenu tièdement à Mahler, une 8e confuse mêlant ses deux orchestres – Bolivar et Los Angeles, noyés dans une noria de chœurs – donnait la nausée, alors que la 9e à Los Angeles frisait le non sens : terreur et volupté, cocktail improbable. L’affaire semblait entendue, le feu d’artifice de la 5e était un feu de paille.

Mais voici qu’arrive en janvier prochain une 7e de la plus grande eau. Avec les vénézuéliens, et live à Caracas en mars 2012. Dès l’exorde, je suis saisi par la profondeur de l’orchestre, abyssal, par le geste péremptoire qui anime les premières scansions, par la perfection d’une lecture qui sait aller de l’avant et pourtant suspendre la mesure lorsque la nuit orchestrale doit étendre son ombre, comme dans le centre de l’Allegro risoluto.

Tout le concert est parcouru par un lyrisme contenu, on est souvent plus proche de Rafael Kubelik ou de Claudio Abbado – à vrai dire, je soupçonne Dudamel d’avoir pris modèle sur le concert de ce dernier à Lucerne – que de Leonard Bernstein – et par un jeu sur les pointes qui emporte le Finale et fait le Schattenhaft grinçant et mordant.

Les Nachtmusik déambulent, objets musicaux non identifiés posant des questions jamais résolues et où Dudamel savoure les timbres d’un orchestre qui ne sonne comme aucun autre aujourd’hui. Épices, alliages de couleurs inconnus, ressources dynamiques que l’on ne trouve pas en général dans les formations symphoniques.

Avec cela on passe du descriptif à l’abstrait en trois mesures, de Mahler à Webern : toute la Seconde Ecole de Vienne semble contenue dans la deuxième Nachtmusik, où Gustavo Dudamel fait entendre les échos du paradis de la 4e Symphonie. Et si justement la 4e était la prochaine étape ?

LE DISQUE DU JOUR

cover mahler 7 dudamel dgg
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 7

Simon Bolivar Symphony Orchestra of Venezuela
Gustavo Dudamel, direction

Un album du label Deutsche Grammophon 4791700

Photo à la une : (c) DR