Après tant d’années et de disques de virtuosité, Marc–André Hamelin éprouverait-il un impérieux besoin de musique ? Je chroniquais voici peu sa première incursion phonographique chez Debussy, coup de maître, et je découvre avec un peu de retard son album précédent : les deux cahiers de scènes de Schumann, Waldszenen et Kinderszenen, poétiquement esquissées, me rappellent qu’il grava deux albums consacrés à Eusebius et Florestan voici dix ans et plus, dont la qualité de chant intérieur et le jeu imaginatif m’avaient alerté.
J’admire la tendresse des Scènes d’enfants, caressées, avec dans l’intimité du son quelque chose d’Haskil dont je ne le pensais pas capable ; et la promenade tranquille de pas, mais d’un discours inquiet, ombreux, des Scènes de la forêt, tombe juste. Ce Schumann intime se trouve dans le piano d’Hamelin avec un naturel confondant.
En prélude, tout le Premier cahier du Sentier effacé (recouvert) de Janáček, autre promenade vers le quasi silence, le « murmurando » doré de la Vierge de Frydek en étant le centre.
Hamelin fait de ce recueil secret un nocturne où l’on déambule avec lui, de ce pas un rien incertain qui montre les hésitations du voyageur dans l’automne qu’a dépeint avec tant d’économie Janáček. Pour sûr il nous doit le second cahier, Dans les brouillards, le drame de la Sonate, qu’accompagneraient bien les Klaviestücke de Schubert.
LE DISQUE DU JOUR
Leoš Janáček (1854-1928)
Sur un sentier recouvert
Robert Schumann (1810-1856)
Waldszenen (Scènes de la forêt), Op. 82
Kinderszenen (Scènes d’enfants), Op. 15
Marc -André Hamelin, piano
Un album du label Hyperion CDA68030
Photo à la une : (c) Fran Kaufmann