Après David Oïstrakh, tous les violonistes ont voulu se mesurer au Premier Concerto de Chostakovitch, Leonid Kogan y compris. C’est à Kogan que l’archet amer, au son cru, torturé, de Christian Tetzlaff me fait songer. Le Nocturne résonne comme une musique expressionniste emplie de références mahlériennes, alors que dans la Passacaille, le motif obsédant évoque soudain Berg. Finale droit, implacable, sans une once de faux folklore. C’est remettre droit dans son temps ce concerto issu de la guerre. Orchestre glacial et sombre, une vraie nuit d’hiver.
Mais Christian Tetzlaff va plus loin encore dans le complexe Second Concerto que seuls, jusqu’ici, David Oistrakh puis Gidon Kremer avaient vraiment compris. 1967 : Chostakovitch tente ici un discours abstrait – alternant une divagation inquiète et des instants de révolte – comme un chant solitaire du violon, que l’orchestre vient enténébrer avec ses touches de couleurs assourdies qui évoquent les toiles nocturnes de Klee.
Et il faut à l’œuvre un archet âpre, capable de phraser loin, tout en sertissant les détails expressifs qui donnent cette allure incertaine, quasi aléatoire à la ligne musicale. Sur ce violon qui parle, et dit sa terreur solitaire, John Storgårds et l’Orchestre Philharmonique d’Helsinki jouent net, coupant, accentuant le sentiment d’angoisse jusque dans un Finale grinçant dont la sinistre danse de morts vous glace les sangs.
LE DISQUE DU JOUR
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Concerto pour violon No. 1 en la mineur, Op. 77
Concerto pour violon No. 2 en ut dièse mineur, Op. 129
Christian Tetzlaff, violon
Orch. Phil. d’Helsinki
John Storgårds, direction
Un album du label Ondine ODE12392
Photo à la une : (c) Christaan Felber