Ils ne sont guère nombreux à pouvoir jouer toute l’œuvre de piano de Chopin. En fait, depuis la disparition de Tatiana Shebanova, seul Pietro de Maria a présenté en concert tout ce que le compositeur a dédié au piano solo. Decca Italie a enregistré sur trois années cette intégrale qui nous revient aujourd’hui en un coffret de 13 CD.
Succès retentissant en Italie dont la France n’a presque rien su. Pas une critique dans les magasines spécialisés. On se demande parfois … Pourtant, il suffit d’écouter l’Étude Op. 10 No. 1 pour savoir à quel interprète d’exception de Chopin on a affaire.
Clavier plein, toucher splendide et de haute école, sans rien de frappé, art du cantabile, main gauche impérieuse qui dessine les contre-chants les plus dissimulés, et des couleurs si subtilement distribuées dans l’harmonie que plus d’une fois ce Chopin se projette dans le futur.
La somme est d’une unité exceptionnelle, au point que l’œuvre considérée comme un tout prend une résonnance singulière. Impossible ici de lire l’évolution d’un style tant le style de l’interprétation est cohérent.
Dans le moindre opus de jeunesse se trouve déjà la clé des œuvres ultimes. C’est à rebours de ce qu’y tentait jadis Vladimir Ashkenazy en ordonnant son intégrale Decca par date de composition. Et il faut avouer qu’au contraire d’Ashkenazy, Pietro de Maria jouit d’un Steinway admirablement réglé (le medium !) par Claudio Bussotti et d’une prise de son exemplaire signée Walter Neri. Sacré paradoxe tout de même de devoir constater que la branche italienne de Decca est si productive, alors qu’en France, Universal ne publie quasiment plus aucun enregistrement de personne…
Tout au long des treize disques, on redécouvre une manière avant tout lyrique qui va très loin dans l’imaginaire de Chopin, trop souvent exposé à des lectures spectaculaires par les virtuoses d’aujourd’hui. Pietro de Maria reste sourd à l’effet, il traque la poésie, et sculpte son clavier avec des ciseaux subtils. Et demain on espère bien que son éditeur lui fera enregistrer les œuvres concertantes, mais aussi la Sonate avec violoncelle, le Trio et les mélodies. Découvrez cette somme sans tarder, j’attends déjà pour ma part son prochain opus discographique, le Premier Livre du Clavier bien tempéré.
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
L’Œuvre pour piano solo (Ballades, Impromptus, Mazurkas, Scherzos, etc.)
Pietro de Maria, piano
Un coffret de 13 CD du label Decca Italie 028948111671
Photo à la une :
(c) Leonardo Ferri