Lorsque Piers Lane fit paraitre en 1993 tout un compact disc regroupant les Études de Scriabine, il suivait de peu Setrak et anticipait de deux mois l’album moins complet de Nikita Magaloff.
C’était rendre à ces opus de Scriabine une continuité de discours, un propos qui les remettaient en situation. Non plus au pire des bis (Horowitz), au mieux les ponctuations de récitals tout Scriabine (Sofronitzki), mais enfin des œuvres en soi. Grand piano très articulé, très plein, capté en majesté, le disque enthousiasma la critique anglaise et passa un peu inaperçu chez nous.
Retrouver ce clavier-couleurs, toujours plus côté sensuel que mystique, avec omniprésent le souvenir de Chopin, et ce jusque dans les opus tardifs, reste un bonheur sans mélange, même si depuis, Alexandre Paley leur a donné une dimension plus percussive et si je reste aussi fidèle au démonisme de Setrak (Solstice) ou aux élégances de Magaloff qui lui aussi n’oublie jamais le diable mais l’évoque plutôt que ne le dépeint.
En 2000, Piers Lane revenait à Scriabine pour les Préludes. Et à nouveau l’imagination d’un peintre, clavier souple, doigts félins, usage savant de la pédale.
Les encorbellements de l’Opus 17 sont d’un raffinement sensuel assez inouï, et tout le second disque est à marquer d’une pierre blanche, alors qu’un bémol de grisaille et de prudence plombe le premier album dévolu aux Opus 2 à 16 enregistrés pourtant durant les mêmes séances, mystère que je ne me suis jamais expliqué, d’autant que le grand ensemble de l’Opus 11 semblait taillé exactement pour le jeu de Piers Lane. Remboursez-vous avec ses Études et le second album des Préludes.
LE DISQUE DU JOUR
Alexandre Scriabine (1872-1915)
Les Études (Intégrale)
Les Préludes (Intégrale),
Vol. 1 (Opp. 2-16) & Vol. 2 (Opp. 17-74)
Piers Lane, piano
3 albums du label Hyperion dans la Collection « Helios » : CDH55242 (Études), CDH55450 et CDH55451 (Préludes)
Photo à la une : (c) Keith Saunders