On n’en finit pas de découvrir le catalogue de Joseph Jongen, trop longtemps réduit à la fameuse Symphonie avec orgue. Né à Liège en 1873, mort en 1953, ce compositeur belge laisse un vaste corpus inscrit dans la droite lignée de ceux de Ravel et de Roussel, comme d’ailleurs l’œuvre de son frère, Léon Jongen, sur lequel je reviendrai bientôt. Les partitions de chambre de Joseph, toutes splendidement ouvragées, ont été les premières à renaître au disque.
Peu à peu les œuvres d’orchestre paraissent, et l’Orchestre Philharmonique de Liège dévoile avec ce nouveau volume de la collection Musique en Wallonie – livre-disque au texte éclairant, à l’iconographie soignée – quatre opus d’une qualité d’écriture et d’invention qui devrait leur ouvrir les portes du concert. Les quatre volets des Tableaux pittoresques sont orchestrés avec une maestria déduite de Debussy – la première partie de Danses, avec sa flûte irréelle, l’entrée de Fête populaire qui cite Iberia – mais ils évoquent aussi Magnard par l’assise d’une formation symphonique passant en deux mesures de l’évocation à l’éloquence.
La tendre arabesque de la Sarabande triste, l’imagination piquée de saveurs populaires des Pages intimes, le caractère trempé de la Suite pour alto et orchestre, concerto qui ne dit pas son nom mais dont l’archet enflammé de Nathan Braude assume le vrai statut, tout cela appartient à la première maturité du compositeur alors que celui-ci, fuyant en 1914 l’envahisseur allemand, avait trouvé refuge avec toute se famille en Angleterre. La guerre ne paraît pas un instant dans ces œuvres réfugiées toute entières dans leur art que Jean-Pierre Haeck dirige avec finesse.
En même temps, Hyperion publie le dix-huitième volume de sa série consacrée aux concertos pour violon romantiques – essentiellement dévolu à Jongen : trois œuvres peu courues écrites entre 1898 et 1902, alors que le jeune compositeur n’avait pas encore mis son orchestre sous les lumières de Debussy.
Le grand Concerto en si mineur Op. 17, écrit lors d’un séjour à Munich à l’automne 1899 pour le violoniste Émile Chaumont, enthousiasma Florent Schmitt. Partition absolument romantique, que Philippe Graffin joue d’un archet passionné, et que Martyn Brabbins emporte d’un geste.
Deux opus plus brefs, une Fantaisie et un Adagio symphonique, complètent ce portrait de Joseph Jongen en jeune homme, et l’éditeur ajoute une Rapsodie de Sylvio Lazzari, charmante, colorée d’un impressionnisme sage, qui donne envie d’en savoir plus sur le corpus symphonique du compositeur de La Tour de feu.
LE DISQUE DU JOUR
Tableaux pittoresques, Op. 56
Sarabande triste, Op. 58
(version pour orchestre)
Suite pour alto et orchestre,
Op. 48
Pages intimes, Op. 55
Nathan Braude, alto
Orchestre Philharmonique de Liège
Jean-Pierre Haeck, direction
Un livre-disque du label Musique en Wallonie (Collection 14-18) MEW1575
Joseph Jongen
Concerto pour violon
en si mineur, Op. 17
Adagio symphonique
en si majeur, Op. 20
Fantaisie en mi majeur, Op. 12
Sylvio Lazzari (1857-1944)
Rapsodie pour violon
et orchestre en mi mineur
Philippe Graffin, violon
Flemish Royal Philharmonic Orchestra
Martyn Brabbins, direction
Un album du label Hyperion CDA68005
Photo à la une : (c) DR