Voici enfin Maria João Pires s’engageant chez Beethoven pour les cycles complets des Concertos et des Sonates.
Premier opus, les 3e et 4e Concertos avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise et Daniel Harding. La phalange de Stockholm, dont il est le directeur musical depuis 2006, a conservé ses teintes sombres si particulières, mais Harding lui a apporté le sens du chant et de la ligne. Tout ce qu’il faut pour que le piano sans effet de Maria João Pires puisse s’y glisser, partenaire avant que soliste.
Le cantabile ombré qu’elle met au si délicat Largo du 3e Concerto en fait une scène de chant romantique où le basson et la flûte jouent un concertato lunaire. Weber soudain s’invitant chez Beethoven. Rêve fluide, d’une poésie entêtante.
Vous l’aurez compris, ce Beethoven finement ouvragé, dessiné avec art, n’a pas tourné le dos à Mozart, et c’est tant mieux, jusque dans le ton enjoué, facétieux qu’elle met au final du Troisième. Mais Pires sait aussi lui donner de l’élan et du brio – les Rondos l’attestent – et redevient un personnage d’opéra, Florestan au fond de son cachot, pour la supplique de l’Andante du 4e Concerto. Admirable autant pour elle, pour son piano lumière, que par l’art de concerter mis par Harding tout au long de l’album. Rarement chef et soliste auront mené à bien un dialogue aussi unifié, une seule voix, infiniment modulable, tirant les deux opus plus vers la chambre que vers le concert.
Autre expérience, le Concerto de Schumann enregistré en concert le 21 janvier 2014 au Barbican avec l’Orchestre Symphonique de Londres dirigé par John Eliot Gardiner.
Le programme enchâssait le concerto-poème de Schumann entre deux œuvres « écossaises » de Mendelssohn, l’Ouverture des Hébrides et la Symphonie n° 3.
Pires veut de l’espace, dès son entrée, elle prend en dessous du tempo de l’orchestre, et conduit le discours vers l’intime, vers le réflexif. Gardiner la suit, déconcertant parfois par quelques maniérismes – dans le Moderato, les phrases descendantes de la clarinette jouées piquées semblent un pur caprice – mais toujours à l’écoute.
Exécution imparfaite dans son in-aboutissement même, les amoureux de Pires la thésauriseront tout de même. Les volets Mendelssohn du concert réservent bien des surprises pour le choix des tempos, des accents, Gardiner n’a toujours pas renoncé à relire ses classiques, quitte à parfois nous laisser interdit. Mais qui lui contesterait l’art comme la manière ? Pas moi.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1756-1791)
Concerto pour piano No. 3
en ut mineur, Op. 37
Concerto pour piano No. 4
en sol majeur, Op. 58
Maria João Pires, piano
Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise
Daniel Harding, direction
Un album du label Onyx 4125
Robert Schumann (1810-1856)
Concerto pour piano
en la mineur, Op. 54
Félix Mendelssohn (1809-1847)
Les Hébrides – Ouverture
Op. 26 ; Symphonie No. 3 en
la mineur, Op. 56 « Écossaise »
Maria João Pires, piano
London Symphony Orchestra
John Eliot Gardiner, direction
Un album du label LSO Live LSO0765
Photo à la une : (c) DR