Sentiers retrouvés

Le piano de Leoš Janáček, après plusieurs décennies où seul un brelan de musiciens tchèques, Rudolf Firkušný, Radoslav Kvapil et Josef Pálenícek furent ses inlassables avocats, a soudain conquis les pianistes et les mélomanes.

Tous veulent dire leur Janáček, conscient des espaces de libertés poétiques ouverts dans le clavier par l’auteur de La Petite renarde rusée. Leif Ove Andsnes et Aldo Ciccolini ont signé des anthologies faramineuses, mais ceux qui se sont risqués à graver l’intégrale restent peu nombreux.

Et si Cathy Krier remportait la palme ? Son double album enregistré en 2013 est passé un rien inaperçu, je l’ai remis dans la platine en commençant par l’opus que je croyais le plus anecdotique, les Danses moraves. Ce jeu abrupt, obstiné, cette musique crue qui rappellent la manière dont Moussorgski écrivait pour le piano, personne ne les a données à entendre avec une telle rudesse, un sens si affuté du populaire. Ensuite les deux cahiers du Sentier recouvert, joués dans une lumière blanche assez inhabituelle, et commencés rapidement, avec une sorte de fièvre. L’anti-Firkusny. Mais un propos, un jeu sostenuto, sans cesse des idées.

Cathy Krier ne fait évidemment jamais rien comme personne, on pourra détester d’autant que son piano réglé court n’est pas poète pour un sou, mais tout cela parle et vous emporte. J’ai l’impression que c’est Katia Kabanova qui joue du piano. Sommet de cet ensemble à conquérir de haute lutte, une Sonate effrayante à force de tensions et d’angoisses. Si vous n’avez pas froid aux yeux et aux oreilles, risquez-vous ici !

LE DISQUE DU JOUR

cover krier janacek caviLeoš Janáček (1854-1928)
L’Œuvre pour piano
Sur un sentier recouvert (Livres I, II & Paralipomena) ; Danses moraves, Ej, danaj !, Variations pour Zdenka ; Sonate « 1.X.1905 » ; Dans les brumes : Miniatures ; Un Souvenir ; Album pour Kamila Stösslová ; Chants populaires de Moravie

Cathy Krier, piano

Un album de 2 CD du label Cavi-Music 8553290

Photo à la une : (c) DR