Les années soixante pour Martina Arroyo, c’est l’époque bénie. Le MET l’a vu triompher en 1965 en Elizabeth de Valois, elle incarne Amelia, la Leonora de La Forza del destino, elle est devenue le grand soprano verdien qu’elle rêvait d’être. Cette diva du MET existait alors que Leontyne Price régnait, mais elle rayonnait absolument.
Avant de faire carrière aux États-Unis, elle avait longtemps fréquenté les théâtres d’Europe, Italie, Allemagne essentiellement, y faisant ses classes, y apprenant son métier, apprivoisant la scène mais aussi le récital. Car seule de son rang et de ses origines dans sa génération, elle se voulut récitaliste. Avant elle, et parmi les sopranos noires, seule Marian Anderson le fut à ce degré d’intelligence, et dans une acceptation aussi polyglotte.
Le Liederabend capté à Schwetzingen illustre cela à merveille, qui commence chez Rossini et finit par quatre spirituals parmi ceux qu’affectionnaient particulièrement Marian Anderson, justement. Mais le centre est tout entier purement dévolu au lied. Sommet les Zigeunermelodien de Dvořák dont elle magnifie la traduction allemande.
Mais les Schubert – Ganymed au pas si noble – et les Brahms choisis parmi les Mädchenlieder sont tous aussi splendidement animés par cette voix de miel, pleine, solaire jusque dans ses ombres. Style parfait, art souverain que relaie le clavier orchestre de Leonard Hokanson, un des tous grands accompagnateurs de son temps trop oublié. Soirée bénie.
LE DISQUE DU JOUR
Martina Arroyo
Schwetzinger Festpiele 1968
Gioacchino Rossini (1792-1868)
3 Mélodies : L’Invito (Bolero) ; La Promessa (Canzonetta) ; La Danza (Tarantella napoletana)
Franz Schubert (1797-1828)
4 Lieder : Ganymed D. 544 ; Die junge Nonne D. 828 ; Das Echo D. 990c ; Rastlose Liebe D. 138
Johannes Brahms (1833-1897)
4 Lieder : Mädchenlied – Op. 107 No. 5, Op. 95 No. 6; Das Mädchen, Op. 95 No. 1 ; Mädchenfluch Op. 69 No. 9
Antonín Dvořák (1841-1904)
Zigeunerlieder (Chants tsiganes), Op. 55 B. 104
Spirituals
I stood on the River of Jordan ; Li’l David play on your harp ; City called Heaven ; Witness
Martina Arroyo, soprano
Leonard Hokanson, piano
Un album du label Hänssler Classic 93719
Photo à la une : (c) Jesse Dittmar/The Washington Post