Je ne savais rien de Rosanne Philippens – un premier disque Bartók-Ravel m’avait échappé – mais lorsqu’un archet ose le murmurando faunesque du Premier Concerto de Szymanowski, je veux l’entendre. Longtemps, j’ai vécu avec les disques de deux violonistes polonaises qui pour moi avaient trouvé la vérité de ce poème sensuel au violon funambule dont Andrzej Wajda para ses Demoiselles de Wilko : Eugenia Uminska, guidée par le tempo sostenuto de Grzegorz Fitelberg, et Wanda PanWilkomirska, héroïne du fastueux conte narré par Witold Rowicki.
Rosanne Philippens les rejoint pour l’invention capricieuse, la chanterelle énigmatique, les phrasés mystérieux, et cette constante ambigüité entre sensualité et nostalgie. Elle joue ici le violon d’Herman Krebbers, un Bergonzi de 1741, dont les aigus fluides sont idéaux : le violon de Szymanowski est une flûte de et Rosanne possède cette chanterelle irréelle qui caractérisait le jeu de Pawel Kochanski pour lequel Szymanowski écrivit toute son œuvre de violon.
Accompagnement ductile et virtuose du NJO conduit d’une main de feu par la jeune chef chinoise Xian Zhang, subtilement accordé au propos de la violoniste qui poursuit l’essentiel du disque chez Szymanowski : Chant de Roxane étrange, Nocturne et Tarentelle sur les pointes, mais surtout, porté par le piano agile de Julien Quentin, la plus accomplie version des Mythes depuis celle de Kaja Danczowska et de Krystian Zimerman.
Chapeau bas … avec en prime trois bis stravinskiens finement rendus. Et maintenant le Deuxième Concerto avec ceux de Prokofiev qui semblent également taillés pour son archet ; après tout, le Premier fut écrit pour Kochanski.
LE DISQUE DU JOUR
Karol Szymanowski
(1882-1937)
Concerto pour violon No. 1
Chant de Roxane
Mythes
Nocturne and Tarantella,
Op. 28
Igor Stravinski (1882-1971)
Chanson russe – arr. pour violon et piano
L’Oiseau de feu (Berceuse, Scherzo) – arr. pour violon et piano
Rosanne Philippens, violon
Julien Quentin, piano
NJO
Xian Zhang, direction
Un album du label Channel Classics CCS SA 36715
Photo à la une : (c) DR