Inachevé un des joyaux lyriques de Schubert ? Pourtant, cette Sakontala l’enthousiasma et il se mit au travail avec une certaine fièvre en octobre 1820. L’élan fut brisé au printemps de l’année suivante lorsque l’Opéra de Vienne lui demanda d’adapter le Zemire und Azor de Spohr : sujet proche, musique aussi délicatement peu théâtrale, le vers était dans le fruit, Sakontala demeura sans lendemain : onze scènes avec les lignes mélodiques. Maigre mais suffisant pour que l’œuvre ait son visage. En 2002 les manuscrits sont exhumés, Kal Aage Rasmussen va rendre l’ouvrage possible, et le 4 octobre 2006, Frieder Bernius créait Sakontala à la Statdhalle de Metzingen.
C’est l’écho de ce concert que publie Carus. Merveille. Les couleurs orientales sont discrètes, mais l’invention mélodique de Schubert nous transporte dans les dilemmes des personnages, et le dernier tableau de l’Acte I, lorsque Sakontala est soustraite par les Dieux dans le tonnerre et les éclairs, stupéfie.
Dans les couleurs claires de la Kammerphilharmonie de Brème et du Kammerchor Stuttgart, la musique si inventive de Schubert – qui n’aura jamais été aussi proche de la muse de Weber – prend forme, j’y gagne un nouvel « Opernlieder » finement distribué : Simone Nold donne un profil dramatique à Sakontala, Stephan Loges met son baryton mordant à Durwasas, tous sont parfaits, réincarnant une partition abandonnée un peu vite par son auteur.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Sakontala, opéra en trois actes, inachevé et en fragments, d’après un livret de Johann Philipp Neumann, inspiré de l’œuvre du poète sanskrit antique Kâlidâsa
Simone Nold, soprano (Sakuntala)
Donat Havar, ténor (Duschmanta)
Martin Snell, basse (Kanna)
Konrad Jarnot, basse (Madhawia)
Stephan Loges, basse (Durwasas)
Kammerchor Stuttgart
Deutsche Kammerphilharmonie Bremen
Frieder Bernius, direction
Un album de 2 CD du label Carus-Verlag Car.83218
Photo à la une : (c) DR