Pourra-t-on encore réduire Vladimir Jurowski à ses nombreuses et brillantes musiques de film après avoir découvert sa Cinquième Symphonie ? Peu probable. Il faudra ajouter un nouveau compositeur parmi les contemporains de Chostakovitch. Car ce triptyque tragique montre à l’œuvre une puissance de suggestion et un langage si individuel qu’on ne saurait y voir l’œuvre d’un épigone. C’est aussi l’ultime opus de son auteur que la répression du Printemps de Prague avait révolté.
Depuis 1968, une corde sensible s’était brisée chez Jurowski, une amertume et une colère l’avaient gagné qui implosent dans la 5e Symphonie. Il l’achève en décembre 1971. Le 26 janvier suivant, la mort l’emporte.
Son fils, Michal Jurowski, lui-même le père du chef d’orchestre Vladimir Jurowski, prénommé en hommage à son grand-père, a tenu à enregistrer cette partition des abîmes, où une poésie étrange, désolée voisine avec une fureur inextinguible. Ce sera pour beaucoup une découverte singulière.
Les Russian Painters qui complètent l’album ne peuvent se hausser à de tels sommets. Six pièces symphoniques inspirées par six tableaux, orchestrations toujours habiles, sujets parfois magnifiés, mais j’aurais préféré découvrir une autre symphonie. Qui sait, une suite s’annonce peut-être !
LE DISQUE DU JOUR
Vladimir Jurowski (1915-1972)
Symphonie No. 5
Russian Painters
Norrköping Symphony Orchestra
Michail Jurowski, direction
Un album du label CPO 777 875-2
Photo à la une : (c) DR