Et de trois. Yannick Nézet-Séguin poursuit son cycle Mozart et quitte Da Ponte pour Stephanie. L’Enlèvement au sérail peut être périlleux, il faut s’y débrouiller des codes du singspiel, trouver les clefs d’un orchestre génial qui s’abreuve à l’École de Mannheim, et pouvoir passer en une fraction de seconde de l’élégiaque au bouffon, du tragique au tendre.
Pari gagné en partie, d’abord par le chef, qui trouve immédiatement l’allégement mais aussi le grand style d’un orchestre personnage à part entière, et conduit le voyage d’un geste précis et ailé. Aurait-il celui de Ferenc Fricsay en tête ? La diversité des couleurs, la subtilité des sentiments, l’élégance du ton qui refusent le tout buffo y compris pour les Maures, font de L’Enlèvement plus qu’une comédie exotique, une vraie Carte du Tendre, où la distribution ne se mire pas au complet.
Premier rôle allemand pour Rolando Villazón, dont le timbre très incarné n’a plus du tout la jeunesse radieuse (et un rien naïve) du personnage, et dont le style ne fut jamais mozartien. Mais du moins les mots s’incarnent, d’autant plus que le ténor mexicain s’ingénie à les rendre clairs, tranchants. Reste qu’avec une vocalité si singulière, Belmonte lui échappe somptueusement.
Franz Josef Selig ne résiste pas, il tire Osmin de la caricature, l’humanise, le chante, et ne le rugit pas comme jadis Josef Greindl, on perd en caractère ce que l’on gagne en âme. Magnifique Pedrillo selon Paul Schweinester – son « Frisch zum Kampfe ! » a l’aplomb d’un futur Tamino –, Blonde pétillante, délicieuse, et très traditionnelle, Anna Prohaska ne déçoit pas.
Mais la perle du coffret reste la Konstanze de Diana Damrau, dont le Marten alle Arten très détaillé et pourtant vertigineux donne le frisson. Yannick Nézet-Séguin lui sertit chaque mot avec l’art qu’on lui sait. Prochaine étape, Le Nozze di Figaro, où elle sera La Comtesse face au Comte de Thomas Hampson, Luca Pisaroni Figaro, Christiane Karg Susanna, Anne Sofie von Otter Marcellina, et Rolando Villazon Basilio, un rôle de composition qui devrait lui aller comme un gant. Cela s’enregistre à Baden-Baden en ce moment …
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Die Entführung aus dem Serail (L’Enlèvement au sérail)
Diana Damrau, soprano (Konstanze)
Rolando Villazon, ténor (Belmonte)
Thomas Quasthoff, baryton-basse (Selim)
Franz-Josef Selig, basse (Osmin)
Anna Prohaska, soprano (Blonde)
Paul Schweinester, ténor (Pedrillo)
Vocalensemble Rastatt
Orchestre de Chambre d’Europe
Yannick Nézet-Séguin, direction
Un album de 2 CD du label Deutsche Grammophon 4794064
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Photo à la une : © DR