Vous aimez le Concerto de Korngold ? Vous aimerez celui de Pancho Vladiguerov. Lyrisme ravageur, orchestration somptueuse, tout le premier mouvement a des allures de musique de film d’aventures, avec ce piment supplémentaire d’une écriture symphonique pantagruélique. Car Vladiguerov manie son orchestre en virtuose, et en tire des sonorités d’une opulence qui pourraient noyer n’importe quel violoniste.
Pas Svetlin Roussev qui revient à la musique de son compatriote après son fulgurant album de début tout entier consacré à ses œuvres pour violon et piano (Ambroisie AMB9953) et fait assaut de grand style. Son violon si timbré, son archet dense rendent justice à une partition où Vladiguerov trouve le point d’équilibre entre son post-romantisme entêtant et sa veine folklorique. Le Finale y fait appel, mais sans pour autant colorer totalement le discours, l’incluant dans une lyrique plus large, ce que Roussev transcrit avec art.
Pour beaucoup, ce Concerto (le premier, Vladiguerov en écrira un second en 1968) sera une sacrée découverte. Ecrit durant l’été 1921 par un jeune homme de vingt ans, il s’ajoute aux grands concertos pour violon qui virent le jour durant l’entre-deux guerres.
L’idée de le coupler avec le Concerto de Sibelius me semble étrange. Les œuvres sont à l’opposé esthétique l’une de l’autre et même leurs formes s’opposent, Vladiguerov concevant son concerto en une seule coulée – les trois mouvements s’enchaînent – alors que Sibelius scinde son œuvre en trois parties distinctes.
Roussev joue son Sibelius « de l’intérieur », long chant ténébreux, tenu, sans affect, et il change sa sonorité naturellement rayonnante pour la faire plus minérale. Avec cela, un grand style, qui phrase très exactement comme Sibelius l’indique : écoutez simplement la vaste ligne qui ouvre le Finale, dont chaque note sonne avec éloquence, articulée.
Un bémol cependant : autant Emil Tabakov et son orchestre étaient opulents dans le Concerto de Vladiguerov, autant ils sont en retrait dans celui de Sibelius, comme désarçonnés devant son orchestration minimaliste durant les deux premiers mouvements. Mais ils trouvent la tension du moto perpetuo du Finale, que Roussev cravache avec le panache dont on le sait capable.
Et si Fondamenta entamait avec lui un grand cycle consacré aux Concertos des années vingt, à l’image de celui initié par Gil Shaham ? Il me semble déjà entendre Svetlin Roussev dans les Concertos de Szymanowski et de Bartok.
LE DISQUE DU JOUR
Pancho Vladiguerov (1899-1978)
Concerto pour violon et orchestre No. 1, Op. 11
Jean Sibelius (1865-1957)
Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Op. 47
Svetlin Roussev, violon
Orchestre Symphonique de la Radio Nationale Bulgare
Emil Tabakov, direction
Un album du label Fondamenta FON1402016
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Photo à la une : Svetlin Roussev – Photo : (c) Julien Benhamou
Photo dans l’article : de gauche à droite, Pancho Vladigerov, František_Stupka et Lyuben Vladigerov – Photo : (c) DR