Schubert, Piano Music Vol. 1 annonce l’éditeur. Vladimir Fetlstman avait pourtant fait préalablement paraître la Reliquie, couplée à la Première Sonate de Schnitke, lecture radicale qui commandait une suite. La voilà, et elle nous laisse aussi conquis que déconcerté.
Feltsman débarrasse son Schubert de tout pathos et de toute tendresse. Il le joue parfois avec une distance un rien sarcastique qu’on ne trouvera pas même chez Richter : écoutez les variations de l’Allegretto de la Sonate en la mineur, désincarnées, sèches presque. Adieux mystère, bonjour étrangeté. Tout, au long de ce disque, surprend, si peu schubertien en apparence.
Mais ce chemin vers le dénuement, qui joue toute la la mineur et les deux Scherzos D. 593 comme des rébus, les sauvant du salon jusqu’à les rendre fantasques, trouve son sens dans le bref Adagio en mi majeur, esseulé, perdu, aussi troublant que les œuvres de clavier inachevées de Mozart : une idée à l’état pur.
Le grand œuvre clôt ce disque singulier qui m’arrête depuis bien un mois : la Sonate en sol majeur, avec son motif d’accords sempiternellement répété, devient sous les doigts de Feltsman une symphonie, et qui prend son temps.
Les reprises sont toutes là, l’arche musicale rayonne, sans que jamais les charmes ne soient sollicités. Cette sévérité lumineuse, ce son si net, ce cantabile nourri dans les contrechants créent un visage profondément inhabituel, déstabilisant, comme à contrario de ce que l’on croit être Schubert. Et pourtant …
Un sentiment qu’augmente encore le second volume de ce voyage : petite Sonate en la majeur, Grätzer Walzer, et l’ultima verba, la Sonate en si bémol majeur. Les Valses montrent avec quel chic pianistique Feltsman délivre les œuvres brillantes de leur ton de salon, la Sonate en la étonne par la clarté de sa conduction et la simplicité faussement naïve de son discours, et fatalement la Sonate en si bémol instille un doute par ses idées étranges : pas l’intrada, faite dans une demi-lumière, réflexive, assez traditionnelle en fait : Felstman ne profite pas du trille pour creuser le son, il refuse toute idée de tension, mais dans le ton sec, le jeu détaché qu’il met au développement, cette étrangeté inquiète et un rien sarcastique que j’avais déjà notée reparaît. Andante froid, Finale pressé, un rien beethovénien dans ses accents, comme si le pianiste russe voulait fuir l’embellie. Unique, et dérangeant.
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Les Sonates pour piano –
Vol. 1
Sonate No. 4 en la mineur,
D. 537
Sonate No. 18 en sol majeur,
D. 894
Adagio pour piano en
mi majeur, D. 612
2 Scherzos pour piano, D. 593
Vladimir Feltsman, piano
Un album du label Nimbus NI6297
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Franz Schubert
Les Sonates pour piano –
Vol. 2
Sonate No. 13 en la majeur,
D. 664
Grätzer Valzer, D. 924
Sonate No. 21 en si b majeur,
D. 960
Vladimir Feltsman, piano
Un album du label Nimbus NI6298
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Photo à la une : © DR