Voici une année, Pierre Hantaï publiait un album Bach où le son s’incarnait comme une entité absolue, une énergie inextinguible. Aujourd’hui, cette perfection impérieuse, inévitable se reproduit.
Bach en est toujours l’objet, mais cette fois au piano. François Dumont propose quatre Suites – l’éditeur, volontairement, n’en plage pas les mouvements -, choisissant de briser les cahiers : la Deuxième Suite anglaise, les Première et Deuxième Partitas, la Troisième Suite française dessinent un voyage harmonique au pays de la danse. Mais pas seulement. C’est plutôt une langue impérieuse, un vocabulaire érigé, alerte, fusant, dès le Prélude de la Deuxième Suite anglaise lançant le discours, sculptant l’espace, qui est l’objet premier de ce disque. Un langage rayonnant dont la syntaxe polyphonique, les ornements palpitants comme des organes vitaux, les phrasés sur les pointes – c’est en eux que s’invite d’abord l’esprit de danse -, les rythmes dionysiaques exaltent la plénitude.
Ce jeu simplement incroyable par sa présence, ce son déployé et si précis, qui cherche et trouve toujours votre plexus n’interprète pas un texte, il est le texte même de Bach et résonne avec une évidence déconcertante. Qui d’autre trouva si simplement le chemin ardent de ces musiques souvent très composées par les claviéristes ? Je n’en vois que deux, Tatiana Nikolayeva et Sviatoslav Richter.
Le tout se double d’une réflexion raffinée sur les rapports des tempos – les deux Bourrées et la Gigue de la Suite anglaise No. 2 équilibrent leurs subtiles différences de couleurs et d’expression dans des choix d’articulation qui varient les rapports de temps d’une façon aussi impalpable qu’imparable, l’usage du cantabile, des points de grammaire et de style qui ont longtemps été discutés entre le pianiste et … lui-même, tout un apprentissage du naturel qui éclate dans la redoutable Deuxième Partita où il faut savoir composer des phrasés aussi longs que chantants, et soudain cabrer tout dans des fugues et des danses.
Je n’en finirais pas de détailler ce disque, à l’usage je me rendrais compte qu’il est probablement infini, comme Bach lui-même. Donc, écoutez-le.
LE DISQUE DU JOUR
Johann Sebastian Bach
(1685-1750)
Suite anglaise No. 2
en la mineur, BWV 807
Partita No. 1
en si bémol majeur, BWV 825
Partita No. 2 en ut mineur, BWV 826
Suite française No. 3
en si mineur, BWV 814
François Dumont, piano
Un album du label Artalinna ATL-A011
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Photo à la une : © Jean-Baptiste Millot