Un orgue dans le piano

Emporté à vingt-quatre ans par la tuberculose, Julius Reubke, élève chéri de Liszt eut le temps de composer deux vastes sonates en miroir à la Sonate en si mineur de son mentor. Parmi elles un chef-d’œuvre, celle écrite pour l’orgue

d’après le Psaume 94 (psaume invitatoire « Venez, crions vers le seigneur ») dont August Stradal réalisa une magistrale adaptation pour le piano.

Je confesse la préférer à l’original pour orgue et en quelque sorte, Julius Reubke donnait par anticipation raison à l’audace de Stradal puisqu’il en avait lui-même transcrit l’Adagio pour le piano. Il faut entendre l’album de Markus Becker en commençant par sa conclusion, cet Adagio qui résonne comme une prière, une lente incantation, puis la proposition de Stradal pour toute la Sonate. Quelle œuvre, sombre, intense, où le jeune homme a abandonné les séductions lisztiennes qui encombrent ça et là le discours de la Sonate pour piano.

Sachant que l’opus décisif de cet album est la Sonate pour orgue, Markus Becker ne met pas dans la Sonate de piano l’accent sur les influences, mais en resserre plutôt le discours, cherchant une nudité de la ligne, une intensité expressive qu’aucun pianiste avant lui n’avait osé à ce degré de simplicité, d’évidence : sa technique transcendante mais jamais ostentatoire l’autorise. C’est probablement le plus bel hommage rendu à ce compositeur qui fut plus qu’un épigone, un maître du piano romantique disparu au seuil de son oeuvre.

LE DISQUE DU JOUR

cover reubke becker hyperionJulius Reubke (1834-1858)
Sonate pour piano en si bémol mineur
Sonate pour orgue en ut mineur sur le 94è Psaume (transcription pour piano : August Stradal)
Sonate pour orgue
(extrait : Adagio ; transcription : Julius Reubke)

Markus Becker, piano

Un album du label Hyperion CDA68119
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Photo à la une : Le pianiste Markus Becker – Photo : © DR