De l’art de bien rééditer, Vol. 22 : La musique du Juste

Adolf Busch aura été l’exemple de la conscience allemande : aryen parfait, type physique de l’idéal nazi, il tourna les talons devant Hitler lorsque celui–ci lui interdit de se produire en duo avec son gendre, Rudolf Serkin, s’exila d’Allemagne, gardien de son trésor national, la musique.

Dans le monde resté libre, il porta haut la parole absolument germanique de Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann, Brahms. Warner réunit toutes les gravures enregistrées par His Master’s Voice durant l’entre-deux guerres, à quoi s’ajoutent le Troisième Quatuor et le Premier Quatuor avec piano (Serkin, évidemment) de Brahms captés en 1949. Cela faisait dix ans qu’il avait passé l’Atlantique.

Mais à Londres, sous la surveillance bienveillante de Fred Gaisberg, il put graver le cœur de son répertoire, n’hésitant pas à troquer l’archet pour la baguette, afin d’enregistrer les Concertos brandebourgeois et les Suites. Cela a vieilli de style, mais d’esprit guère, et le piano de Serkin, la flûte de Moÿse, comment y résister ?

En quatuor – hélas, il ne nous reste rien du répertoire de trio qu’il arpenta d’abondance avec son frère Hermann et Serkin – il atteignit les sommets, et même si les trois opus de Schubert me font toujours frissonner dans leurs nuits d’étoiles, ce sont bien les ultimes Quatuors de Beethoven qui conservent l’intégralité de cet art hors du temps, maîtrise de la forme, perfection du discours, émotion du jeu. Imparable.

Warner a bien fait les choses, ajoutant des inédits, soignant les reports, prouvant que l’on peut aujourd’hui encore sauver le legs du 78 tours. Un texte éclairé du biographe premier du violoniste, Tully Potter (cf. sa biographie The Life of an Honest Musician), vous expliquera tout, et de l’homme et de son art. Avec quel bonheur, je retrouve intact la fantaisie, la candeur heureuse de ce 14e Concerto de Mozart où le piano phrase avec cette élégance, ce coté sotto voce, l’Allegro ma non troppo final.

Ce bonheur sans mélange se double d’un autre : André Tubeuf publie un portrait singulièrement vivant du violoniste : quarante deux brefs chapitres où sont saisies sa personne, ses amitiés, son art, sa vie, et où l’on perçoit, fil rouge subtil, la présence essentielle de Rudolf Serkin. Retrouver ces disques ne peut se faire sans ouvrir ce livre.

LE DISQUE DU JOUR

cover coffret busch warnerAdolf Busch
& Busch Quartet

The Complete Warner Recordings
Œuvres de J. S. Bach, Beethoven, Brahms, Geminiani, Mendelssohn, Mozart, Reger, Schubert, Schumann et Vivaldi

Adolf Busch, violon
Busch Quartet

Un coffret de 16 CD du label Warner 0825646019311
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EN SAVOIR PLUS SUR ADOLF BUSCH

André Tubeuf, Adolf Busch, Le premier des justes ― Actes Sud, un livre de 169 pages
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Photo à la une : © DR