Wagner qui composa si peu pour le piano fut poursuivi, pillé, magnifié par les transcripteurs, Franz Liszt le premier, qui faisait acte d’apôtre, soucieux de porter la bonne parole au-delà de Bayreuth. On oublie trop souvent ce souci de divulgation, pas François Dumont qui dans un programme parfait rassemble ce que Wagner inspira à Liszt, de la Ballade de Senta à la Marche du Graal. L’occasion de vérifier une fois encore avec quel art de l’évocation, quelle simplicité de moyens aussi, il fait entrer chanteurs et orchestre dans son piano.
La Montée au Walhalla divulgue son art de peintre, et de conteur, Senta inquiète à force de tension, le rêve d’Elsa semble léviter au dessus du clavier, une magie sonore. Mais évidemment, les deux grands moments de ce disque où le piano abyssal du français en surprendra plus d’un sont l’Ouverture de Tannhäuser avec son Venusberg simplement fou et une Mort d’Isolde d’une beauté sonore à couper le souffle.
Si Camiel Boomsma regarde aussi du coté de Liszt pour Tannhäuser et la Mort d’Isolde, il offre des pistes moins courues et tout aussi passionnantes. L’Improvisation sur le Preislied de Walther des Meistersinger que nota Franz Brendel ne figure que rarement dans les anthologies, long lied romantique tout enrubanné de traits décoratifs qui portent un chant extatique. Il faut entendre comment le jeune pianiste néerlandais le phrase, l’élance. C’est d’un artiste et d’un sacré pianiste qui révèle son sens de la narration dramatique dans la fabuleuse exégèse morbide que Ferrucio Busoni tira de la Marche funèbre du Götterdämmerung : voilà un orchestre incarné ! Mais ses moyens pianistiques sont plus encore magnifiés par le subtil travail qu’August Stradal réalisa sur la Verwandlungmusik de Parsifal : son crescendo devient ici une épure. Curieux de tout, cultivé comme il l’est, cet élève de Paul Badura-Skoda qui a perfectionné son art auprès de Severin von Eckardstein se frotte également à la transcription minimaliste du Prélude de Tristan où Zoltán Kocsis met son piano le plus secret.
Justement, Decca Eloquence ressort des tiroirs l’album que le pianiste hongrois grava pour Philips à Londres en 1980. S’il fait la part belle à Liszt, c’est pourtant ses propres transcriptions, brillantes (l’Ouverture des Meistersinger) ou subtiles (le Prélude de Tristan und Isolde) qui emportent la palme. Le plaisir physique du jeu – irrésistible dans la polyphonie grand style des Maîtres – et sa capacité à excéder les limites de son piano ont fait de cet album un disque historique. Le voir enfin couramment disponible est un bonheur sans mélange, procurez-vous le !
LE DISQUE DU JOUR
Franz Liszt (1811-1886)
Transcriptions de pages extraites des opéras de Richard Wagner (1813-1883)
«O du, mein holder Abendstern» (Rezitativ und Romanze, extrait de Tannhäuser)
Ballade
(extrait du Vaisseau Fantôme)
Elsas Traum (extrait de Lohengrin)
Ouverture (extrait de Tannhäuser)
Feierlicher Marsch zum heiligen Gral (extrait de Parsifal)
Lohengrins Verweis an Elsa (extrait de Lohengrin)
Walhall (extrait de L’Or du Rhin)
Elsas Brautzug zum Münster (extrait de Lohengrin)
Isoldes Liebestod (Mort d’Isolde, extrait de Tristan et Isolde)
François Dumont, piano
Un album du label Piano Classics PCL0073
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Richard Wagner (1813-1883)
«O du, mein holder Abendstern» (Rezitativ und Romanze, extrait de Tannhäuser – arr. : Franz Liszt, 1811-1886 – S. 444)
Verwandlungsmusik
(extrait de Parsifal – arr. : August Stradal, 1860-1930)
Improvisation über Walther’s Preislied (d’après Die Meistersinger Von Nürnberg – arr. : Franz Bendel, 1833-1874)
Marcia Funebre (extrait de Götterdämmerung – arr. : Ferruccio Busoni, 1866-1924)
Einleitung (Introduction orchestrale à l’Acte I)
(extrait de Tristan und Isolde – arr. : Zoltán Kocsis, né en 1952)
Isoldes Liebestod (extrait de Tristan und Isolde – arr. : Franz Liszt, S. 447)
Camiel Boomsma, piano
Un album du label Etcetera KTC 1500
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Richard Wagner
Elsas Brautzug zum Münster (extrait de Lohengrin – arr. : Franz Liszt, 1811-1886 – S. 445/2)
Einleitung (Prélude à l’Acte I) (extrait de Tristan und Isolde – arr. : Zoltán Kocsis, né en 1952)
Isoldes Liebestod
(extrait de Tristan und Isolde – arr. : Franz Liszt, S. 447)
Ouverture (extrait de l’opéra Die Meistersinger Von Nürnberg – arr. : Zoltán Kocsis)
Feierlicher Marsch zum heiligen Gral (extrait de Parsifal – arr. : F. Liszt, S. 450)
Zoltán Kocsis, piano
Un album du label Decca 4807401 (Collection Eloquence Australie)
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Photo à la une : © Andrea Felvegi