Un peu moins de vingt-et-une minutes pour l’ultima verba de Bruckner. J’en vois déjà qui vont crier à la trahison. Mais la 9e Symphonie est demeurée inachevée, et Bruckner n’était pas certain de sa mort alors qu’il la composait. Une vision métaphysique encombre pourtant les interprètes de ces dernières pages, seuls Horenstein, puis Harnoncourt n’y ont pas cédé.
Mariss Jansons est bien plus littéral qu’eux, et partant, radical. A la lettre D, Bruckner demande « etwas bewegter », Jansons répond par un brusque changement de tempo qui soudain fait entrer cette musique dans un autre monde : pas celui du tombeau, celui d’une révélation en lumière qui aboutit à un forte où les anges ont pris leurs clairons. Formidable, comme toute la coda « appassionato » qui va suivre.
Le Concertgebouw est l’autre héros de ce concert mémorable, cordes en soie, bois en jade, cuivres d’orgue, tout une immense machinerie poétique quasi irréelle, instrument idéal pour cette langue complexe, venue du romantisme mais s’en détachant : jamais l’ultime Bruckner n’aura sonné aussi proche de l’ultime Mahler, avec cette densité légère du son où les flûtes et les hautbois font des concerts d’oiseaux.
Tant de beauté, si peu de terreur, tant d’espace, si peu de vide, et si je tenais là l’un des plus saisissants témoignages de l’art du chef letton qui aura rencontré Bruckner et Mahler grâce aux musiciens amstellodamois. Poursuivra-t-il son cycle ? Les Symphonies Nos. 1, 2, 5 et 8 manquent…
LE DISQUE DU JOUR
Anton Bruckner (1824-1896)
Symphonie No. 9 en ré mineur, WAB 109
Royal Concertgebouw Orchestra
Mariss Jansons, direction
Un album du label RCO Live 16001
Acheter l’album sur le site du label RCO Live ou sur Amazon.fr
Photo à la une : © DR