Je mets toujours dans la platine un nouveau disque des Valses de Chopin avec la certitude que je vais connaître une heure de bonheur : l’album de Lipatti fut l’un de mes tous premiers microsillons, j’ai bien dû en user quatre exemplaires, depuis tant de versions sont venues dans ma discothèque … J’y placerai le tout dernier disque d’Eliane Reyes avec plaisir.
Cette simplicité qu’elle met à tout ce qu’elle joue, elle l’offre aussi à ces pages si rebattues, le style est parfait, le clavier timbré et fusant, une lumière s’immisce mais dans les Valses où le rêve s’impose au rythme, c’est élégant sans ostentation, avec dans les phrasés quelque chose de belcantiste que tant de pianistes sacrifient à un brio de surface, c’est surtout incroyablement vivant et souvent subtilement mené comme la Valse en mi bémol majeur (Op. Posth.) qu’on renvoie généralement au salon et qu’elle joue comme un poème ombré, aux suspensions mystérieuses, où résonnent des appels qui évoquent plutôt la mazurka.
Car Eliane Reyes commence ses Valses par les cinq grandes Valses brillantes pour les finir dans l’intime des opus posthumes – depuis Lipatti on est passé de 14 à 19 Valses – et joue les premières aussi sensibles que celles plus secrètes, moins estrade, plus salon probablement, retrouvées depuis.
C’est entendre les Valses non plus comme des vignettes éparses mais bien y dépeindre un univers singulier à l’intérieur du piano de Chopin, et les jouer dans toutes leurs ambigüités – de tons, de formes, d’emplois, de destinations – sans jamais les réduire à un genre.
Je n’en attendais pas moins d’une pianiste aussi cultivée et sensible qui, bambine, avait paru à l’École des fans de Jacques Martin en jouant … deux Valses de Chopin !
LE DISQUE DU JOUR
Frédéric Chopin (1810-1849)
19 Valses (Intégrale)
Eliane Reyes, piano
Un album du label Azur Classical AZC 134
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Photo à la une : © Jean-Baptiste Millot