Le clavecin de Scarlatti est une boîte de Pandore, qui l’ouvre se brûle. Comment dans le sinistre Escorial, cette musique si diverse et si parfaite, a-t-elle pu naître et sonner ? Mystère.
Scarlatti a écrit pour épuiser, physiquement et mentalement, qui les joue. Pierre Hantaï les transporte avec une énergie absolue, inextinguible, faisant tout entendre de cet univers complexe où le populaire et le savant dansent d’un même pied, dont l’invention semble infinie.
Secret de son art, la suractivité. Il a bien vingt doigts au lieu de dix pour faire tout entendre de ces polyphonies et de ces syncopes, pour marier les mélodies les plus folles dans ce torrent d’harmonies bigarrées aux rythmes les plus décousus : écoutez seulement le tourbillon obstiné de la Sonate en mi majeur K. 381 où soudain l’espace sonore semble se démultiplier. Il est partout à la fois.
Et lorsque Scarlatti chante large – la Sonate qui suit (en la majeur, K 208) est un air d’opéra – ce sostenuto ardent vaut bien tous les legato.
Je pourrais continuer ainsi des pages, mais à quoi bon ? Vous savez comme moi qu’entre Bach et Scarlatti, le voyage audacieux de Pierre Hantaï aborde à des rivages toujours nouveaux, qui surprennent et interrogent, et dont les auditions répétées ne parviennent jamais à épuiser le subtil alliage d’éloquence et d’émotion.
Car derrière cet art parfait, ce jeu solaire, les ombres rôdent, l’envers du décor se montre. Cherchez dans ce disque magique et vous trouverez plus d’une fois de quoi vous inquiéter.
LE DISQUE DU JOUR
Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonates pour clavier K. 45, 133, 144, 201, 204, 208, 212, 247, 279, 302, 381, 402, 403, 405, 456, 457, 533
Pierre Hantaï, clavecin
Un album du label Mirare MIR 285
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Photo à la une : © Jean-Baptiste Millot