Pour Essénine

Si Chostakovitch mit en musique certains poèmes d’Essénine (1895-1925) avec la puissance de transcription qu’on lui connaît, ce fut pourtant Georgy Sviridov (1915-1998) qui captura l’esprit de la poésie aventureuse, si suggestive et mélancolique, de ce jeune homme que les agents du NKVD « suicidèrent » à l’Hôtel d’Angleterre de Leningrad le 28 décembre 1925. 30 ans. Depuis, Essénine est devenu une icône de la littérature russe, sa vie tumultueuse, son mariage avec Isadora Duncan augmentant sa légende.

Je chérissais les microsillons Melodiya qui assemblaient certains des cycles de mélodies de ce compositeur pour lequel l’inspiration littéraire commandait l’inspiration musicale. En voici deux, réédités à la perfection. Le premier est tout entier porté par le vaste ténor d’Aleksei Maslennikov, digne héritier des Lemieshev et Nielepp, qui emporte le grand cycle Poème à la mémoire de Serge Essénine avec un lyrisme ravageur, entraînant avec lui les forces de l’Orchestre Philharmonique de Leningrad ou partageant Mon père est un paysan avec le baryton mordant d’Igor Morozov.

Pourtant, le vrai chef-d’œuvre de ce premier album reste la petite cantate pour ténor, chœur d’hommes et orchestre Russie des bois, incroyable de suggestion poétique, transportée par la direction rayonnante de Gennadi Rozhdestvensky.

Et quel plaisir mêlé de tristesse en retrouvant tout l’album qu’Elena Obraztsova, disparue le 12 janvier 2015, avait gravé en 1983 avec le compositeur au piano. La Russie à la dérive serait sans doute son cycle de mélodies le plus achevé, ses notes épousant intimement les mots d’Essénine : littéralement la musique du texte qu’Obraztsova magnifie de son timbre profond. Mais c’est avec le cycle sur des poèmes d’Aleksander Blok, le mentor puis l’ami d’Essénine que s’ouvre le disque, musique tout aussi nostalgique qui illustre bien l’art de ce compositeur trop oublié aujourd’hui.

LE DISQUE DU JOUR

cover essenin melodiya sviridovGeorgy Sviridov (1915-1998)
Poème à la mémoire de Sergei Essenine, pour ténor, chœur et orchestre*
Mon père est un paysan, pour ténor, baryton et piano
Russie des bois, pour ténor, chœur d’hommes et orchestre**

Aleksei Maslennikov, ténor
Igor Morozov, basse
Georgy Sviridov, piano
Capella Aleksandre Yourlov
*Orchestre Philharmonique de Leningrad
**Orchestre symphonique de la Radio de Moscou
*Yuri Temirkanov, direction
**Gennadi Rozhdestvensky, direction

Un album du label Melodiya MELCD 1002336Acheter l’album sur Amazon.fr

covber sviridov melodies melodiyaGeorgy Sviridov
Chants et Romances sur des poèmes d’Aleksander Blok
Icône (extrait des « Chants des temps difficiles »)
La Russie à la dérive, cycle de 12 mélodies pour voix et piano

Elena Obraztsova,
mezzo-soprano
Georgy Sviridov, piano
Un album du label Melodiya MELCD 1002420
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Photo à la une : © DR