Un nouveau Bacchus et Ariane ? Je ne vais pas bouder ! D’autant que dès la Fanfare, pointée de déflagrations, fièrement prononcée, enlevée d’un mouvement vif, Kazuki Yamada m’emporte. Cela tonne, cela danse, implose sur les dominantes, c’est ensuite galbé et sonnant, le premier acte déroule ses saillies et ses caprices dans un mouvement parfait. Le secret, à vrai dire plus trouvé depuis Martinon ? Savoir couper net les épisodes, et reprendre dans un tempo inchangé, ce qui progressivement augmente la tension.
Pour l’Acte I, avec cet orchestre fluide et pourtant abrupt, c’est merveille, cela fuse, brillant, parfois même somptueux de son – comme l’OSR sait rendre l’acoustique voluptueuse et si sonore du Victoria Hall ! Les preneurs de son magiciens de Pentatone, formés à l’école Philips, se sont visiblement réjouis et ont mis en boite cette opulence et ce son sec à la fois. Roussélien, absolument.
La Deuxième Suite peut bien venir avec son cortège de souvenirs, Munch, Cluytens, Markevitch : Yamada et les Genevois ne déméritent pas, et dans l’Andante qui prélude, l’alto solo prie un Dieu mystérieux, merveille ! Chaque épisode se danse, individuel, incarné, le Baiser marie les thèmes, orgie de lèvres : guerrier le Thiase défile. Peu importe à Ariane, elle dansera, timide mais pourtant conquérante. La Bacchanale rugit et se contient, pour mieux porter la couronne de l’élue. Grande version, qui soudain remet droit dans son répertoire historique l’orchestre d’Ansermet. Il faudrait bien que les mêmes se collent au Cydalise de Pierné.
Peu importe après cela que les Épigraphes antiques de Debussy, calligraphiés justement par Ansermet, soient plus peints que dessinés : on y entend la sensualité qui préside à leurs danses votives. Et peu m’importe que Les Biches de Poulenc soient un peu en muscles, pas assez du Bois de Boulogne : après tout, on est à Genève. Mais Ariane, Bacchus, eux, sont contents, et Roussel, assurément heureux.
LE DISQUE DU JOUR
Albert Roussel (1869-1937)
Bacchus et Ariane,
Op. 43
Claude Debussy (1862-1918)
Six Épigraphes antiques,
L. 131
Francis Poulenc (1899-1963)
Les Biches, FP 36
L’Orchestre de la Suisse Romande
Kazuki Yamada, direction
Un album du label Pentatone PTC 5186 558
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Photo à la une : © DR