Trop parfait

Comme c’est preste ! Steven Osborne s’élance dans « sa » Hammerklavier avec le délié athlétique d’un pur sang, ces muscles, cette ardeur, et pourtant un contrôle du son qui calibre tout. C’est un peu ce qui fait à mon sens ici un bémol, léger mais certain. Si l’on a les moyens – et Osborne les a – de produire dans la première page de la Hammerklavier l’effet de stupeur que voulait imposer Beethoven, alors il faut foudroyer. L’élan est formidable, il lui manque justement ce foudroiement que Schnabel savait produire, quitte à laisser des notes sous le clavier. Et nul ne doute qu’au fond Schnabel aura été ici le modèle d’Osborne.

Mais enfin, ne barguignons pas, Osborne unifie toute cette improbable, fantasque, délirante construction onirique qu’est la Hammerklavier pour son plus grand bien : il la joue prestissimo (la Fugue!), lui donne une envolée où le (trop ?) beau son règne toujours. Quel pianiste, quels moyens !

L’Opus 101, commencé comme une confidence un peu capricieuse, dans un ton de bagatelle, tire immédiatement l’oreille. Mais rapidement, l’urgence manque, les doigts se perdent dans les détails, cela musarde et continue de se promener dans un Vivace très peu alla marcia.

C’est beau de bout en bout, mais exaltant jamais. Plus difficile encore, la brève Sonate Op. 90, avec ses airs troubadour et ses interrogations déconcertantes. Osborne en trouve les couleurs pour le premier mouvement, mais le Rondeau ensuite lui glisse des doigts, joli, univoque, endormi dans un tempo lissé qui va s’endormant.
Beethoven, c’est difficile.

LE DISQUE DU JOUR

cover beethoven 29 osborne hyperionLudwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 27
en mi majeur, Op. 90

Sonate pour piano No. 28
en la majeur, Op. 101

Sonate pour piano No. 29
en si bémol majeur, Op. 106
« Hammerklavier »

Steven Osborne, piano

Un album du label Hypérion CDA68073
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Photo à la une : © Ben Ealovega