J’avais remarqué sa grande sonorité en découvrant les Quintettes pour piano et cordes de Mario Castelnuovo-Tedesco et m’étais juré de guetter ses futurs disques. J’étais pourtant loin de me douter que le prochain album de Massimo Giuseppe Bianchi serait publié sous étiquette Decca (Italie), et proposerait un programme aussi exigeant.
Les grands compositeurs romantiques passionnés de contrepoint et de polyphonies auront chacun apporté leur pierre à l’édification d’un temple à la mémoire de Bach ; l’album assemble quatre opus qui exigent de leur interprète une versatilité de style, de jeu rendant l’entreprise délicate.
Pour l’habillage pianistique pensé par Ferruccio Busoni autour de la Toccata et Fugue en ré mineur, Massimo Giuseppe Bianchi refuse les grands effets de pédale et le ton de proclamation que tant de pianistes y mettent. Il la joue droite, simple, donnant tout à entendre du travail de Busoni, évacuant le modèle de l’orgue pour faire rayonner le piano. C’est bien vu, assez inusité, comme lorsqu’il soigne les gris colorés assemblés par Liszt autour de Weinen, Klagen,Sorgen, Zagen pour en tirer toute la rêveuse mélancolie.
Son Prélude, Choral et Fugue de Franck pourra surprendre par son ton passionné, son éloquence douloureuse, les sfumato dont il pare le Prélude, irréel plus d’une fois. Remarquable, inhabituel, pensé loin de toute une certaine tradition de pesanteur, les phrases musicales de Franck s’y forment, dessinées plus qu’en bien d’autres versions.
Mais le grand opus de cet album aventureux reste le cycle de Max Reger, opus chéri des grands pianistes allemand de l’entre-deux-guerres, dont le kaléidoscope de sentiments, d’atmosphères, et la construction savante et subtile désarment bien des pianistes. Rudolf Serkin savait qu’ici paraissait l’un des chefs-d’œuvre de la littérature pianistique germanique du XXe siècle et l’avait gravé tardivement, un temps András Schiff le mit à ses programmes de concert.
Bianchi le sculpte à plein clavier, jusque dans les vivaces fuligineux qui viennent éclairer comme autant de fusées les vastes plages méditatives où Reger creuse l’harmonie. Lecture parfaite qui rend justice à un cahier aussi somptueux qu’exigeant. En postlude, le désarmant Caprice sur le départ du frère bien aimé peut résonner, joué en pure fantaisie : Massimo Giuseppe Bianchi a signé un remarquable premier album solo.
LE DISQUE DU JOUR
Around Bach
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Toccata et Fugue en ré mineur, BWV 565 (trans. Busoni)
Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo
en si bémol majeur, BWV 992
Max Reger (1873-1916)
Variations et Fugue sur un thème de Johann Sebastian Bach, Op. 81
Franz Liszt (1811-1886)
Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen – Variations sur le chœur d’introduction de la Cantate BWV 12 de J. S. Bach -, S. 179
César Franck (1822-1890)
Prélude, Chorale et Fugue, FWV 21
Massimo Giuseppe Bianchi, piano
Un album du label Decca 4814521
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Photo à la une : © DR