J’ai toujours aimé le piano discret, aux harmonies profuses, que dispense Denis Kozhukhin. Pourtant aussi admiratif de son art que je sois, à chacun de ses disques, un doute me saisissait. Ils avaient toujours un léger goût d’inachevé, chez Haydn ou chez Prokofiev et même dans son album de concertos (Tchaïkovski & Grieg).
Tout change lorsque retentit la mélodie si émouvante du Thème et Variations, manifeste lyrique d’un disque parfait. Brahms est le révélateur que le piano de Kozhukhin cherchait : un frère en musique, des paysages et une respiration communs, mieux, une couleur, le bleu sombre d’un nuit de demi-lune qui emplit tout cet album d’un mystère somptueux.
Ce piano sans marteau, si rare chez les artistes russes d’aujourd’hui, où l’harmonie règne en maître, où le chant se tapit dans des polyphonies profuses, où la nuance est une morale, envoûte les Ballades qui n’auront jamais été aussi sobres et denses de sens, de musique, d’émotion, et par ailleurs d’une justesse dans l’éclairage qui change radicalement le visage de la Quatrième : elle n’a plus d’arc-en-ciel, mais simplement des étoiles qui brillent dans sa nuit de silence.
Les Fantaisies de l’Opus 116, murmures et tempêtes, semblent parcourir des sentiers effacés, et ce piano dont l’absolu n’est que subtilité, est capté à merveille par les micros d’Erdo Groot. Ce toucher est d’une beauté, d’une plénitude jusque dans le retrait, que je n’avais pas croisé depuis Radu Lupu. C’est assez dire si Denis Kozhukhin nous doit une suite chez Brahms : les Opus 76, 117, 118 et 119 espèrent son piano-poète.
LE DISQUE DU JOUR
Johannes Brahms (1833-1897)
Thème et Variations op. 18b
4 Ballades, Op. 10
7 Fantaisies, Op. 116
Denis Kozhukhin, piano
Un album du label Pentatone PTC 5186568
Acheter l’album sur le site du label Pentatone ou sur Amazon.fr – Télécharger l’album en haute-définition sur Qobuz.com
Photo à la une : © DR