Longtemps jouées seulement par des archets tchèques, les phrases exaltées du Concerto pour violon de Dvořák ont conquis à compter des années quatre-vingt ceux des solistes internationaux, et à mesure l’œuvre a perdu de ses saveurs originelles.
Jan Mráček, vingt-cinq ans, pur produit du Conservatoire de Prague, les réinventent dès la première phrase, si tendue, si ample. Retrouvant le souffle, l’élan qu’y inventait dès 1936 le jeune Yehudi Menuhin, guidé par George Enesco, ardent défenseur d’une partition dont il entendait la sombre lyrique, Mráček replace l’œuvre dans ses vrais paysages.
Alliage d’élans un rien furieux et d’une ténébreuse mélancolie, le Concerto attendait la plénitude de son archet, son éloquence sans théâtre, la noblesse de ses cantabile qui résonnent dans un des plus beaux mediums de violon entendus depuis quelques lustres. James Judd lui fait un orchestre atmosphérique, si dense en poésie que son chant s’y épanouit naturellement : ce n’est plus un concerto, c’est une ballade en trois volets, un sombre conte bucolique dont Mráček se fait le conteur, styliste parfait qui ne renonce jamais à son pouvoir expressif.
Du même archet diseur, il magnifie la Romance Op. 11, et donne un caractère sauvage à la Mazurka avant de distiller des trésors de lyrisme dans les magnifiques et si peu courues (en dehors de la Bohème) Pièces romantiques.
Disque parfait, mieux ! premier disque exemplaire, utile dans son projet monographique et offrant la version moderne que le Concerto espérait depuis celle de Nathan Milstein, nonobstant celles de Joseph Suk, trop austères, trop en dévotion face au chef-d’œuvre.
LE DISQUE DU JOUR
Antonín Dvořák (1841-1953)
Concerto pour violon et orchestre en la mineur, Op. 53, B. 108
Romance en fa mineur, Op. 11, B. 39
Mazurek, Op. 49, B. 90
4 Pièces romantiques, Op. 75, B. 150
Jan Mráček, violon
Lukáš Klánský, piano (Op. 75)
Orchestre Symphonique National Tchèque
James Judd, direction
Un album du label Onyx Classics 4160
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Photo à la une : © Shirley Suarez