Après tout un disque Bach, tout un disque Beethoven. Il ne faut pas avoir peur. Le comble serait évidemment de réussir aussi pleinement le second que le premier.
Cette fois encore, le programme fait beaucoup. Choisir quatre sonates d’entre les trente deux qui en un disque exposent la grammaire beethovénienne, expliquent un discours, une poétique simplement par le fil de la chronologie et sans que pourtant rien de pédant, de seulement démonstratif, en découle, voilà l’objet du disque.
Mais son sujet ? Le style, cette vertu générique qu’on ne veut pas prêter à Beethoven car on le croit toujours affranchi de tout. Or, le style est justement ce qui lui permet d’être lui-même dans les figures d’entrée de l’Opus 2 No. 2. Et justement, Rémi Geniet fait entendre leur différence dans les phrasés, les accents, le poids du toucher qui empêchent de les confondre avec le geste d’un Haydn, dont elles proviennent pourtant dans un opus qui lui est dédié.
Les climats de l’Opus 14 No. 1, ses humeurs versatiles, sont rendus par le jeune homme avec une science des couleurs, un toucher allusif qui se gardent bien de tonner : la plastique de ce jeu de clavier est décidément sciante, dans les dolce, la complexité de l’expression saisit toute l’ambivalence des climats, cet entre deux-mondes qui s’y joue. Son clavier toujours ombreux augmente le mystère.
Le temps suspendu de l’Adagio sostenuto de la Clair de lune peut paraître, filant plus vite qu’à l’habitude son train de nuages nocturnes, le jeu si formé, si modelé, aux timbres tuilés, est décidément merveilleux dans ce presque rien de son qui creuse l’espace. Si ce n’est pas de l’art ! Et l’Allegretto, joué comme une bagatelle, quelle belle idée.
Pour l’Opus 110, c’est tout de même un peu tôt, un peu trop joli et sage surtout, pas encore avec les escarpements et les fantaisies, sans le côté voyage fantastique, mais c’est joué divinement, trop pour l’Allegro molto qui doit gifler et qui ici chante. Mais déjà dans l’Adagio, j’entends quel beethovénien Rémi Geniet sera un jour, lorsque les ailes auront fini de lui pousser.
Le piano est une splendeur, la prise de son de Hugues Deschaux une des plus réussies de ces derniers temps, qui capte l’acoustique parfaite du TAP de Poitiers.
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano No. 2
en la majeur, Op. 2 No. 2
Sonate pour piano No. 9
en mi majeur, Op. 14 No. 1
Sonate pour piano No. 14
en ut dièse mineur,
Op. 27 No. 2
Sonate pour piano No. 31
en la bémol majeur, Op. 110
Rémi Geniet, piano
Un album du label Mirare MIR 321
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Photo à la une : © Patrice Moracchini