Quelle fièvre, mais aussi quelle plénitude jusque dans l’amer, résonnent dans la première page de La jeune fille et la mort selon James Ehnes et ses amis ! Ne pas renoncer à la beauté du son, mais ne rien céder sur l’espressivo, mener les deux de front non pas pour atteindre un équilibre mais afin que sans cesse l’un bouleverse l’autre.
On sait James Ehnes virtuose consommé et musicien impeccable, c’est peu d’écrire que pour cet enregistrement en quatuor, ses qualités éclatent plus encore, cela rappelle l’époque glorieuse où les grands solistes, les Goldberg, les Heifetz, les Milstein visitaient le répertoire de chambre, l’avivaient, lui donnaient la fougue, l’élan, l’ampleur de vraies symphonies gorgées de timbres. Ce n’est pas le moindre apport de ce disque que d’évoquer cet âge d’or, mais il lui faut lui reconnaître une qualité supplémentaire : sa fidélité fanatique à la moindre nuance du texte nous mène très loin dans l’univers hanté de cet opus schubertien.
J’aurais espéré un autre Quatuor de Schubert, mais James Ehnes et ses amis ont choisi les Voix intimes de Sibelius, son ré mineur sinistre, ses harmonies étranges, son discours complexe dont ils ne cachent rien, lecture qui expose quel génie le compositeur de Kullervo y distilla, rappelant qu’il fut violoniste et envisagea toute son œuvre non du piano mais bien des cordes.
C’est magnifiquement incarné, dit, vraie rhapsodie de quatuor qui ne se compare dans l’absolu qu’avec les deux opus de Janáček, mais c’est bien dans Schubert que j’espère retrouver les amis demain, le Quinzième Quatuor, le Quintette à deux violoncelles leur iraient tant !
LE DISQUE DU JOUR
Franz Schubert (1797-1828)
Quatuor à cordes No. 14
en ré mineur, D. 810,
« Der Tod und das Mädchen »
Jean Sibelius (1865-1957)
Quatuor à cordes en ré mineur, Op. 56, « Voces intimae »
Ehnes Quartet, piano
Un album du label Onyx Classics 4163
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Photo à la une : © DR