Et si le génie de Charles Villiers Stanford s’incarnait d’abord dans son œuvre chorale ? L’auteur de l’hypnotique The Blue Bird aura écrit d’abondance pour l’Église et pour les sociétés chorales tel le Bach Choir aux destinés duquel il présida longuement.
Anthems et motets, pages pour les offices, cantates profanes, Partsongs toujours sublimes, si peu enregistrés pourtant, dès que les mots paraissent, sa plume s’enflamme. Écoutez seulement les volutes et les encorbellements exultant de son brillant Magnificat a capella qui emporte un chœur à huit parties d’une lumière sidérante. Ou l’ardent anthem « For lo, I Raise Up« , dont le manuscrit resta inexplicablement enfoui dans une bibliothèque publique jusqu’en 1939, pourtant écrit au début de la Grande Guerre, où dans une exhortation transcendante, la prophétie d’Habakkuk prévient des horreurs du conflit. Jamais une musique, chœurs lancés, orgue tonnant, solos déchirant comme proférés dans l’œil d’un cyclone, n’aura aussi bien saisi le ton de l’Ancien Testament.
C’est par lui que Stephen Layton ouvre cet album définitif où le Chœur du Trinity College, dont Stanford fut l’organiste de 1873 à 1892, se couvre de gloire, virtuose et flamboyant, poétique ou tragique, au point que j’espère bien d’autres volumes, et pourquoi pas une intégrale des anthems et des musiques de service sacré et même des si abondants Partsongs.
Quittant Stanford inspiré jusqu’au génial, je le retrouve dans un discours autrement intime. Son œuvre de piano est injustement méprisée, bien que les concertistes anglais s’évertuent à la redécouvrir depuis le début du XXIe siècle, Christopher Howells en a même enregistré l’intégrale, Peter Jacobs les avait tous précédés en gravant une anthologie où figurait déjà les deux livres de 24 Préludes illustrant toutes les tonalités.
Sam Haywood y met son piano élégant, distinguant avec beaucoup d’art les pièces de genre (Carillons, Basso ostinato, En rondeau, surtout l’étrange Musette) des préludes qui sont plus des études où fleurissent arpèges et cantabile. Le cycle entier doit s’apprivoiser, musique volontiers secrète qui en son ultime opus dévoile une admirable mélodie : cet Addio une fois entendu ne s’oublie plus, et rappelle quelle influence décisive eut le piano de Schumann sur tout ce que les compositeurs anglais du post-romantisme composèrent pour le clavier.
LE DISQUE DU JOUR
Charles Villiers Stanford (1852-1924)
For lo, I raise up, Op. 145
3 Motets, Op. 38
Morning, Evening and Communion Services, Op. 115
(extraits : Te Deum, “We praise thee, O God” (No. 1), Benedictus, “Blessed be the Lord God of Israel” (No. 2), Jubilate, “O be joyful in the Lord, all ye lands” (No. 3)
Bible Songs and Six Hymns, Op. 113 (extrait : No. 6b, “O for a closer walk with God”)
Magnificat for 8-Part Chorus en si bémol majeur, Op. 164
Fantaisie et Toccata pour orgue en ré mineur, Op. 57
English Motets, Op. 135 (extrait : No. 2, Eternal Father)
St Patrick’s Breastplate, “I bind unto myself today »
Owain Park, orgue
Alexander Hamilton, orgue
Madeleine Todd, soprano
Jamie Roberts, ténor
Trinity Brass
Choir of Trinity College, Cambridge
Stephen Layton, direction
Un album du label Hypérion CDA68174
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Charles Villiers Stanford
Sélection de Préludes choisis parmi les :
24 Préludes, Op. 163
24 Préludes, Op. 179
Sam Haywood, piano
Un album du label Hypérion CDA68183
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Photo à la une : © DR