Une passion longuement entretenue par Marc Minkowski pour la gente équidée depuis ses vacances d’enfance au Bec Hellouin l’avait menée dès 2015 à investir la Felsenreitschule avec Bartabas et sa compagnie, faisant danser et jouer chevaux et cavaliers sur le Davide penitente de Mozart. Succès faramineux, donné à guichet fermé, qui engendra un second projet, plus ambitieux encore : cette cavalerie se mesurerait au Requiem de Mozart. La simple annonce du spectacle força la Mozartwoche à ajouter des dates, la Felsenreitschule fut pleine comme un œuf chaque représentation, le spectacle fut repris cette année in situ et Paris le verra dans le cadre moins impressionnant de La Seine Musicale en septembre prochain.
Remettre la Felsenreitschule dans sa fonction de manège – l’archevêque de Salzburg y faisait caracoler ses cavaliers – est une brillante idée, y adjoindre la musique du Requiem, pleine de gestes baroques qui se fondent parfaitement dans ceux des chevaux de Bartabas, une sorte de coup de génie qu’augmente encore l’architecture du lieu : ses quatre-vingt-seize arches sculptées dans la roche font un théâtre intemporel où se disposent les musiciens et les chanteurs, enveloppant la troupe de Bartabas d’une vague sonore qui les emporte.
Je ne sais trop où est la perfection de ce que je vois ici, mais il y a une telle complétude entre les notes de Mozart et les figures des destriers, il émane de tout cela une poésie si prenante, si suggestive lorsque paraissent le squelette ou les pénitents noirs qu’il est simplement impossible d’en détacher le regard, d’autant que c’est admirablement filmé, ce qui – vu l’ampleur du lieu et la virtuosité de la chorégraphie – s’avère un tour de force.
Mais si vous fermez les yeux, si seulement vous écoutez l’émotion, la ferveur, l’implacable violence que distille tour à tour Marc Minkowski, emmenant ses musiciens dans un mouvement irrépressible qui évoque la statuaire du Bernin, portant à bout de bras un quatuor magique où brillent tout particulièrement le soprano d’annonciation de Genia Kühmeier et le sombre ténor de Julien Behr, alors vous saurez tenir là une des plus éclairantes interprétations du Requiem de Mozart tentée depuis quelques lustres.
LE DISQUE DU JOUR
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Requiem en ré mineur, K. 626
Ave verum corpus en ré majeur, K. 618
Miserere en la mineur, K. 85/73s
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
The ways of Zion do mourn (Funeral Anthem for Queen Caroline), HWV 264
Symphony (placée après le Miserere et avant le Requiem, idée géniale !)
Académie équestre nationale du domaine de Versailles
Bartabas
Genia Kühmeier, soprano
Elisabeth Kulman, mezzo-soprano
Julien Behr, ténor
Charles Dekeyser, baryton
Salzburger BachChor
Les Musiciens du Louvre
Marc Minkowski, direction
Un DVD/Blu-Ray du label C Major Enterntainment 741808
Acheter l’album sur le site www.clicmusique.com, ou sur Amazon.fr
Photo à la une : © DR