C’était l’époque joyeuse où l’on trouvait au supermarché des disques pour deux sous, et même des disques de Karel Ančerl, étiquette Fontana. Je me souviens encore de celui des suites de ballet de Tchaikovski, où une ballerine laçait son chausson sur un gazon.
C’est la part la plus oubliée de l’héritage discographique de Karel Ančerl, et même un peu méprisée aujourd’hui : quatre microsillons enregistrés avec le Symphonique de Vienne en 1958 et 1959, une Nouveau Monde épique (que le label de l’orchestre a rééditée voici peu, les sources de cette nouvelle édition sont meilleures), le seul enregistrement officiel des Danses slaves Op. 46 qu’Ančerl fouette avec un plaisir palpable, Ma Patrie très sombre et plus rapide qu’à Prague, c’est le répertoire connu, princeps pour ainsi dire du chef tchèque.
À quoi les sessions viennoises auront ajouté un ensemble Tchaikovski faramineux, et d’autant plus précieux qu’il ne recoupe que par l’Ouverture 1812 la discographie officielle du chef. Les suites de ballet sont dirigées comme des pantomimes, sur-expressives, dramatiques à souhait, la 4e Symphonie est de bout en bout géniale, coupante, cinglante, si moderne de carrure, mais le sommet de cet ensemble reste un Roméo et Juliette hanté, terrible de noirceur et de tension.
Voir toutes ces gravures enfin réunies, rééditées avec un tel soin, y entendre toutes les singularités de l’art d’Ančerl, réaliser à quel point il transforme la sonorité des Viennois pour l’approcher à celle de sa Philharmonie Tchèque, quelle expérience ! Ensemble indispensable, de plein droit historique.
LE DISQUE DU JOUR
Karel Ančerl
The Philips Recordings
Antonín Dvořák (1841-1893)
Symphonie No. 9 en mi mineur, Op. 95, B. 178,
« Du Nouveau monde »
8 Danses slaves, Op. 46, B. 83
Bedřich Smetana (1824-1884)
La Moldau (No. 2, extrait de « Ma Patrie », JB 1:112)
Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893)
Roméo et Juliette, Ouverture-fantaisie en si mineur, TH 42
Marche slave, Op. 31, TH 45
Ouverture solennelle « 1812 », Op. 49, TH 49
Symphonie No. 4 en fa mineur, Op. 36, TH 27
Sérénade pour cordes en ut majeur, Op. 48 (extrait : II. Walzer)
Le Lac des cygnes, Suite, Op. 20a
La belle au bois dormant, Suite, Op. 66a
Casse-noisette, Suite, Op. 71a
Wiener Symphoniker
Karel Ančerl, direction
Un coffret de 3 CD du label Decca 4827353 (Collection Eloquence Australia)
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