Grand Piano

Une seule ligne se déploie, phrasée comme par un chanteur, et respire dans un jeu de timbres si plein, si naturel que vraiment on croirait ce clavier une voix. Qui joue ainsi, sans afféterie, lumineux mais grave comme le faisait jadis Lili Kraus, le Rondo en la mineur de Mozart ?

William Grant Naboré.

C’est un de ses anciens albums, de la même veine que le prodigieux disque regroupant des sonates américaines du XVIIIe siècle ou que ses Variations Diabelli thésaurisées par les pianophiles. Je l’avais un peu oublié, cet album Mozart, dont l’architecture est celle d’un jardin avec personnages, celui du Finale des Nozze, si sensible, si vif, si conscient pourtant de la forme comme le prouvent l’ordonnancement parfait des deux Sonates (en fa majeur, en ut mineur).

Il les joue en tempos amples, il les dit, le temps est en Mozart son allié (comme il le sera pour Claudio Arrau dont l’intégrale des Sonates est probablement l’achèvement absolu de son art avec ses Debussy), il lui offre le secret de son écriture, cette conscience de l’harmonie où la forme s’éprouve et se perfectionne. Parfait.

L’album refermé, j’en ouvre un autre par le même, mais plus récent : programme tout Brahms autour de Clara Schumann, de la jeunesse au crépuscule. Commençons par la fin : l’Opus 118 qui lui est dédié. Des paysages ? Des confidences, amoroso, délirantes, ténébreuses, où passe dès les phrasés si particuliers, suspendus, chantournés comme pour un Carnaval schumanien, tout un monde de souvenirs : Clara était dans sa soixante-quatorzième année, elle a du se les jouer. Sans y paraître, William Grant Naboré les brode d’une infinie tendresse, pas si loin que cela du geste éloquent mais surtout touchant qu’y déploya toujours Radu Lupu.

Le disque s’ouvre par un Scherzo Op. 4 fouetté comme du Liszt, mais le cœur du disque atteint à l’ineffable : les Variations sur un thème de Robert Schumann, tombeau secret écrit alors que l’auteur des Papillons était interné, mais aussi billets d’amour, envoyés variation par variation à Clara. Naboré les joue comme un rébus, si conscient de l’harmonie, si certains de leurs ombres, y incarnant comme des repentirs en musique.
Quel pianiste, quel artiste !

LE DISQUE DU JOUR

Love and Losses
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Rondo en la mineur, K. 511 (Andante)
Sonate No. 2 en fa majeur, K. 280/189e
Fantasie en ut mineur, K. 475
Sonate No. 14 en ut mineur, K. 457

William Grant Naboré, piano

Un album du label Academy Productions AP2421
Acheter l’album sur le site du label Artalinna & Academy Productions, sur le site www.ledisquaire.com, ou sur Amazon.fr – Télécharger ou écouter l’album en haute-définition sur Qobuz.com

The Go Between
Johannes Brahms (1833-1897)
Scherzo en mi bémol mineur, Op. 4
Variations sur un thème de Robert Schumann, Op. 9
6 Klavierstücke, Op. 118

William Grant Naboré, piano

Un album du label Academy Productions AP1381
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Photo à la une : Le pianiste William Grant Naboré – Photo : © DR