Des astres du nouveau quatuor, les deux opus de Janáček ? Les Acies les concoivent à propos comme deux véritables drames intimes, tournant résolument le dos aux versions expressionnistes des ensembles tchèques qui depuis la légendaire gravure du Quatuor Janáček abrasaient leurs cordes et violentaient le discours, au point de tendre quasi tous vers le langage radical d’un Bartók.
C’est par l’autre prisme de la modernité, celui de la Seconde École de Vienne, que les Acies envisagent le dyptique du Morave. Leur Lettres intimes a le ton fiévreux, l’érotisme trouble et les élans oniriques de la Verklärte Nacht, tout un monde nocturne qui est le revers de l’agitation névrotique, des apartés dramatiques, des confrontations existentielles qui implosent tout au long du Premier Quatuor inspiré par La Sonate à Kreutzer de Tolstoï.
Cette mise en miroir si pertinente va au cœur des deux opus, abandonnant les arrêtes de leur discours pour faire résonner la plénitude expressive de l’harmonie. Ce n’est plus un quatuor, mais par la diversité des attaques, l’ampleur des phrasés, l’intensité des dynamiques un orchestre à quatre où se jouent deux opéras, où paraissent des personnages, lecture fascinante d’un quatuor qui replace enfin les deux chefs-d’œuvre de Janáček dans l’orbe culturel de l’empire austro-hongrois.
Passionnant.
Je serais curieux de les entendre chez Smetana.
LE DISQUE DU JOUR
Leoš Janáček (1854-1928)
Quatuor à cordes No. 1
« Sonate à Kreutzer », JW 7/8
Quatuor à cordes No. 2
« Lettres intimes », JW 7/13
Acies Quartett
Un album du label Gramola 99002
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Photo à la une : © DR