Méjugé en France depuis que les historiographes ont souligné sa bienveillance à l’égard des forces d’occupation – on a même été jusqu’à débaptiser un célèbre lycée de la région parisienne qui portait son nom, nouvelle preuve que le ridicule ne tue plus – Florent Schmitt aurait-il trouvé une seconde patrie en Albion ?
Chandos lui consacre un cycle dont le premier volume présentait des lectures entêtantes du Psaume 47 et de La Tragédie de Salomé signées par Yan Pascal Tortelier. C’est Sakari Oramo, friand de répertoires peu courus, qui reprend le témoin pour un album tout aussi éloquent.
Les deux Suites d’Antoine et Cléopâtre, le grand ballet que Schmitt composa pour Ida Rubinstein en 1920, sont des merveilles sombres où une sensualité vénéneuse irradie un orchestre oriental d’une suffocante poésie : écoutez seulement la Nuit au palais de la Reine qui ouvre avec son célesta la Seconde Suite. Impossible de ne pas céder aux sortilèges dont Schmitt pare son orchestre. Les six numéros de l’ensemble – la terrible Bataille d’Actium plombée de cuivres au premier chef – font regretter que Sakari Oramo n’ait pas choisi de défendre l’intégralité du ballet.
Il aura préféré compléter son disque avec l’un des ultimes opus de Schmitt, sa Deuxième Symphonie écrite l’année de ses quatre-vingt sept ans, partition âpre, sombre, que défendirent avec panache Charles Munch puis Jean Martinon (l’INA conservent leurs interprétations). Sakari Oramo les égale avec son orchestre virtuose, rendant justice à la moins accessible des œuvres de ce génie singulier que la France ferait bien d’arrêter de bouder. Et si demain le cycle se poursuivait avec le splendide Orianne et le Prince d’Amour ?
LE DISQUE DU JOUR
Florent Schmitt (1870-1958)
Antoine et Cléopâtre, Suites No. 1 et 2, Op. 69a/b
Symphony No. 2, Op. 137
BBC Symphony Orchestra
Sakari Oramo, direction
Un album du label Chandos CHSA 5200
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Photo à la une : © DR