Il ne faut s’étonner de rien, mais enfin la discographie surabondante d’Antal Doráti n’aura pourtant pas documenté tout son répertoire : ses Bruckner philologiques, son Requiem de Verdi, sa Grande de Schubert n’auront pas connu les honneurs du studio, et plus extraordinaire encore, en plein « Mahler revival », le disque ignora somptueusement les interprétations radicales qu’il en prodiguait des deux côtés de l’Atlantique.
Depuis quelques années, des concerts captés quasiment toujours admirablement sont enfin publiés, rendant à Doráti la place primordiale qui lui revient parmi les interprètes de Gustav Mahler, mais dès le microsillon, une 5e Symphonie âpre, violente, d’une logique implacable, enregistrée avec son Orchestre de Stockholm aurait dû alerter les mélomanes.
La Première Symphonie, la Résurrection, trois versions de la Sixième Symphonie et une étreignante 9e avec le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin ont été publiées, et cette 4e dont je thésaurisais la médiocre copie-cassette que m’avait fait un ami néerlandais.
Nous sommes au Concertgebouw, le 6 mars 1966, Doráti savoure avec des rubato rustiques les charmes pastoraux de cette bucolique où les bois du Concertgebouw n’auront jamais sonné avec une telle liberté d’accents. Ecoutez le Scherzo, épicé, joueur, qui fait entendre ses Naturlaut surprenants, illustrant à vif l’art descriptif que Mahler mettait dans ses jeux de timbres. Doráti, compositeur lui-même, savourait cet art plein d’effets naturalistes. Mais le grand Ruhevoll, phrasé sostenuto, est tout aussi surprenant, qui ouvre sur des paysages de haute montagne.
Concert magique, jusque dans l’Eden mutin d’un lied final où Benita Valente savoure les mots avec une gourmandise certaine. Et si, voulant approcher le Mahler de Dorati, vous commenciez ici ?
LE DISQUE DU JOUR
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 4
Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam
Antal Doráti, direction
Un album du label Antal Dorati Society ADL 208
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Photo à la une : © DR