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Le monde flottant

Voici six ans, Hazan publiait la parfaite monographie que Matthi Forrer avait consacré à Hokusai en l’assortissant d’une iconographie somptueuse. L’historien d’art y reprenait à grands traits la biographie croisée du maître japonais et d’Edmond de Goncourt Continuer la lecture de Le monde flottant

Théâtre des émotions

Lulu descend le grand escalier de Peduzzi, bras tendus, mains serrées sur le petit revolver avec lequel elle va abattre Schön, Patrice Chéreau la fait trembler imperceptiblement et pourtant où qu’on fut placer dans Garnier, on pouvait percevoir ce tremblement, puis l’œil fixe qui vise et le visage passant en un instant de la fureur à l’angoisse à la tristesse, faire voir les émotions que la musique suggère, produit, tout le secret d’un art qui n’appartenait qu’à l’auteur de Ceux qui m’aiment prendront le train, car il savait mettre toute la force du théâtre dans l’opéra.

Lulu a été filmé, les Contes de Garnier aussi, on les aura bien un jour en DVD (le Japon les a édités voici bien vingt ans déjà) , mais Cosi fan tutte, Tristan, De la maison des morts, Elektra captés par l’œil même de Chéreau documentent avec une précision absolue la grammaire si particulière qui est l’un des thèmes de l’exposition que lui consacre aujourd’hui le Palais Garnier et la Bibliothèque Nationale de France.

L’occasion de la publication chez Actes Sud d’un ouvrage d’art où les regards d’amis, de collègues, se croisent en une série d’articles où toutes les facettes de cet homme complexe – et pourtant d’un abord si simple, on avait toujours le sentiment que Patrice Chéreau vous écoutait, cela me frappait lors des rencontres informelles après les représentations aux Amandiers – mais qui cherchent aussi les origines de l’esthétique si prégnantes dont il revêtait ses spectacles. Les sources iconographiques de cette inspiration visuelle, Goya et Pieter Brueghel en tête, montrent un théâtre en constant mouvement, signe de cette « intranquilité » qui animait jusqu’au malaise ses gestes scéniques : même son immobilité était fiévreuse.

Parmi l’ensemble des témoignages de remémoration qu’égrène l’ouvrage, celui de Stéphane Lissner, qui aura accompagné le travail commun de Chéreau et de Boulez notamment sur Wozzeck, est particulièrement pertinent, qui souligne à quel point l’âme du théâtre fut infusée dans l’opéra avec une intensité et une justesse qui n’ont rien à voir avec les sempiternelles déclarations d’intention du Regietheater. Mais c’est certainement le texte de Clément Hervieu-Léger qui va droit au cœur de cet art rappelant à quel point Chéreau tissait toujours un (des) récit(s) pour capturer le spectateur dans une toile de sentiments et d’émotions l’incluant pour ainsi dire dans l’œuvre.

Livre aussi éclairant que somptueux, magnifié par une iconographie pertinente, qui nous remémore les années fabuleuses où Patrice Chéreau fut avec nous, fraternel, attentif, dans chaque spectacle nous tendant le miroir de nos émotions et nous forçant à les regarder sans ciller.

LE LIVRE DU JOUR

Patrice Chéreau, mettre en scène l’opéra

Sous la direction de Sarah Barbedette et Pénélope Driant
192 pages

Un ouvrage de la maison Actes Sud
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Une exposition sur la carrière et l’œuvre de Patrice Chéreau se déroule au Palais Garnier du 18 novembre 2017 au 3 mars 2018.

Photo à la une : © DR