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Dies Irae

Le titre est choisi à propos pour le nouvel album de Dmitri Masleev enregistré au Studio Mosfilm de Moscou alors que la Russie massacre l’Ukraine de ses bombes planantes.

Est-ce ce contexte funeste qui rend sa Totentanz si désespérée, sans l’ombre d’une grandiloquence dès la marche de l’ouverture, sans tonnerre, simplement éprouvante de lourdeur ? Mais l’embellie rêvée de la section centrale rappelle le poète qu’est ce musicien de première force, ce maître des timbres et des nuances qui reparaît dans le fol animato de la paraphrase sur le Dies irae, soudaine envolée pimentée d’hungarismes.

La vêture orchestrale ajoutée par Mikhail Petukov à l’original pour clavier seul de la Rhapsodie espagnole ne la sauve pas de ses facilités, au contraire, mais je n’en admire que plus l’électricité de ce piano incandescent.

La meilleure part du disque ? La Rhapsodie de Rachmaninoff, jouée sans esbrouffe, infiniment contrôlée de rythmes, d’accents, de nuances, avec toujours ce clavier fusant qui pourrait être plus sardonique.

Mais non, Dmitri Masleev préfère faire les variations classiques, d’un clavier sans effet, magique souvent, malgré un orchestre qui aurait gagné à avoir un chef : du piano, la mise en place est une gageure, mais elle est réussie, sinon la fusion parfaite qui aurait permis au pianiste d’aller plus loin encore.

Bis magnifique, hypnotique, l’Adagio du Concerto de Marcello dont Bach a capturé la poésie lagunaire, et qui me donne envie d’entendre Dmitri Masleev dans les Partitas, ou les Suites anglaises.

LE DISQUE DU JOUR

Dies Irae

Franz Liszt (1811-1886)
Totentanz, S. 126
Rhapsodie espagnole, S. 254 (version pour piano et cordes :
Mikhail Petukov)

Sergei Rachmaninov
(1873-1943)
Rhapsodie sur un thème de
Paganini, Op. 43

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Concerto pour clavier en ré mineur, BWV 974 (extrait : II. Adagio)

Dmitry Masleev, piano
Svetlanov Symphony Orchestra, direction

Un album du label Aparté AP384
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Photo à la une : le pianiste Dmitry Masleev – Photo : © DR

L’alpha

Sévères les Toccatas, des partitions d’atelier, de la rhétorique ? Une méprise a poursuivi le cahier depuis que Glenn Gould les a imposées du piano comme de pures éléments d’abstraction.

Les clavecinistes eux-mêmes auront tenu le cahier à distance, semblant perdus devant ce Bach jeune home qui ressemble si peu à celui qu’il sera, et explore sur son clavier des mondes dont il se fera l’écho bien plus tardivement en en réinterprétant ces premières audaces au point de les masquer totalement.

Le modèle était pourtant trouvé, et pas si abstrait que cela : Frescobaldi. Bach, toujours curieux de ce qui se faisait de l’autre côté des Alpes, aura saisi dans cette forme ramassée et complexe de quoi affirmer son génie singulier.

L’ombre des organistes, celle de Buxtehude surtout, plane aussi sur le recueil par défaut que deviendront les cinq premières Toccatas, mais Christophe Rousset les pense absolument comme des œuvres de pure clavecin, versicolores, agiles, capricieuses, inféodant la forme à la fantaisie d’un discours dont il savoure les audaces.

De la musique sévère ?, jamais !, mais une syntaxe aventureuse qui se libère à mesure, au point d’échapper dans les deux dernières : la sol mineur et son incroyable finale de tempête, le concert varié en trois volets de la Toccata en sol majeur, flamboient sous ses doigts impérieux qui emportent un roide clavecin allemand anonyme dont les âpres beautés sont idéales pour ces Toccatas visionnaires.

LE DISQUE DU JOUR

Johann Sebastian Bach (1685-1750)

Toccata en ré mineur,
BWV 913
Toccata en mi mineur,
BWV 914
Toccata en fa dièse mineur,
BWV 910
Toccata en sol mineur,
BWV 915
Toccata en ré majeur, BWV 912
Toccata en ut mineur, BWV 911
Toccata en sol majeur, BWV 916

Christophe Rousset, clavecin

Un album du label Aparté AP275
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Photo à la une : le claveciniste Christophe Rousset – Photo : © Nathanaël Mergui

Nouveaux concertos

Le fructueux voyage de Jonathan Biss dans le continent des Sonates de Beethoven laissait espérer les Concertos, les voici. Il les prend à rebours commençant par l’« Empereur », geste ardent, pianisme somptueux porté par un plein jeu à dix doigts Continuer la lecture de Nouveaux concertos