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La jeune fille et Schumann

La sonorité d’abord, discrète, ailée, merveilleusement dans le piano sans jamais rien qui l’y enferre ; les harmonies chantent, la pédale, économe, dore jusque l’aigu (écoutez la dernière minute d’Arabeske), la main gauche timbre les contrechants, les polyphonies transparaissent. Continuer la lecture de La jeune fille et Schumann

Crépuscule

Un tombeau pour Beethoven, la Fantaisie de Schumann ? Fabrizio Chiovetta se garde bien d’édifier le monument, faisant d’une des plus saillantes architectures coulées de la plume de l’auteur du Carnaval trois épisodes d’abord lyriques.

Les sfumatos, le ton désolé du Langsam getragen est d’une puissance poétique certaine (et l’Arabeske prise dolce, uniment rêveuse, semble en couler), l’intrada phrasée dans l’émotion aura rarement été entendue aussi fluide, dispersée dans un camaïeu de couleurs irréelles. Reste que le second volet, qui n’est pas le plus glorieux de ce que Schumann a écrit pour son piano, pris prudemment pour éviter peut-être les terribles sauts de la coda, pêche, tant à l’encontre de ce que le pianiste entend du génie de Schumann, et que ses Kinderszenen désarmantes de poésie élégiaque, emplies de petits détails savoureux et d’un planisme tout ivoire – je pense l’entendant à Clara Haskil – illustrent au mieux, sommet de ce disque aux teintes de crépuscule où le poète parle.

LE DISQUE DU JOUR

Robert Schumann
(1810-1856)
Fantaisie en ut majeur, Op. 17
Arabeske, Op. 18
Kinderszenen (Scènes denfants), Op. 15
Album für die Jugend, Op. 68 (extrait : No. 30. Sehr langsam)

Fabrizio Chiovetta, piano

Un album du label Aparté AP305
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Photo à la une : le pianiste Fabrizio Chiovetta – Photo : © DR

Le récital oublié

Une tendresse de toucher, des phrases mi-closes, voilà comment Youri Egorov entrait en doigts feutrés dans l’Arabeske de Schumann, médusant le public de la Grote Zaal du Concertgebouw ce 16 novembre 1983. Une confidence d’une nostalgie irrépressible, mais tenue, intense jusque dans le murmure, avec cette beauté de la sonorité d’ensemble où les registres se contrastent et s’épaulent pourtant, qui n’appartint qu’à lui.

foto-yori-egorovComme il en avait l’habitude, il ne laisse qu’une fraction de seconde entre la fin de l’Arabeske et le début de Kreisleriana, dont l’élan subjugue, qui fait tout entendre de la polyphonie, éclate le nuancier jusque-là sollicité pour révéler un orchestre. Jamais ce clavier si plein et si volatile ne se sature, porté par la puissance douce des harmonies : ce que jouer à dix doigts, et non pas à deux mains, veut dire.

Ces Kreisleriana d’un jeune homme qui n’avait pas encore atteint ses tente ans sont aussi fantasques que rêvées, jouées avec une attention aux nuances de couleurs, de phrasés, un art de l’émotion qui s’incarnent dans cette maîtrise du temps musical caractéristique du génie expressif de Schumann. C’est le temps long, qui par-delà les épisodes du discours, refuse la fragmentation. Tout s’y unifie, une seule grande ligne emporte le récit, qui permet au pianiste de dire tout du texte. Et si c’était les plus belles Kreisleriana jamais éditées au disque ? Probable.

Les couleurs, les sons, les parfums surabondent dans le Premier Livre de Préludes qui composait la seconde partie du récital. Ce Debussy de plein jeu, mobile à l’extrême jusque dans ses écritures les plus raréfiées – Des pas sur la neige est anthologique – est pourtant toujours d’un caractère ambigu, rien ne s’y résout même lorsque le trait devrait se charger : c’est la dispersion du son, la rêverie dorée des aigus et des médiums qui émanent de la Sérénade interrompue. Le guitariste y est vu dans le décor, élément d’un paysage sonore qui soudain devient si réel qu’on croirait pouvoir le toucher, incarnation certes, mais de sons savamment composés, celle d’un art longtemps essayé pour parvenir à ce degré de naturel où l’émotion peut affleurer sans rien de démonstratif. Youri Egorov avait tout compris du « Mystère Debussy ».

Incroyable, alors que l’on voit avec bonheur depuis quelques années la publication des enregistrements en concert de cette étoile filante du piano moderne, ce récital amstellodamois n’avait jamais paru, malgré ses qualités artistiques transcendantes et la plénitude de sa captation sonore qui saisit tout du magnifique Steinway joué ce soir-là. Le voici disponible en CD grâce à l’entêtement de Wim de Haan qui a obtenu de la Radio TROS l’autorisation de publier cent copies CD à partir de la bande originale, vous pourrez le commander uniquement sur le site www.youri-egorov.info. Ne tardez pas.

LE DISQUE DU JOUR

cover-egorov-wimYouri Egorov
Récital à la Grote Zaal du Concertgebouw d’Amsterdam le 16 novembre 1983

Robert Schumann (1810-1856)
Arabeske, Op. 18
Kreisleriana, Op. 16
Claude Debussy (1862-1918)
Préludes, Livre I

Youri Egorov, piano

Un album en édition limitée DHR WH001
Acheter l’album sur le site du label www.youri-egorov.info

Photo à la une : © DR