Les jeunes violonistes veulent tous jouer le Concerto de Sibelius, Tobias Feldmann lui consacre son premier disque avec orchestre, sous la houlette inspirante d’un autre violoniste, Jean-Jacques Kantorow. Est-ce pour cela que les tempos choisis Continuer la lecture de Violon de Finlande
Archives par mot-clé : Concerto pour violon
Transylvanie
Depuis que le Premier Concerto est sorti de l’oubli, portrait vivant de l’amour de Bartók pour Stefi Geyer, il accompagne souvent au disque le grand concerto-ballade écrit vingt ans plus tard, couplage plus périlleux qu’il n’y paraît : les violonistes sont toujours tentés de tirer le Premier vers le Second, ce dont Benjamin Schmid se garde bien, les distinguant au contraire comme deux mondes antithétiques : la pureté de la grande phrase qui ouvre l’Andante de l’opus posthume est désarmante par sa poésie venue d’un autre temps, alors qu’un ménétrier fait danser l’Allegro plus piquant que giocoso : quel caractère dans cet archet qui fait le vielleux, et comme l’orchestre champêtre persiffle avec lui. Œuvre heureuse, à l’inverse du grand nocturne étrange qui emporte tout le Deuxième Concerto.
Nocturne non pas moderniste comme tant de versions, mais empli de paysages transylvaniens, joués comme une pastorale nostalgique jusqu’à l’amer, avec au centre un Andante tranquillo qui n’est plus une plainte, mais une mélodie toute simple qu’un chevrier pourrait souffler dans sa flûte avant d’esquisser sur les spiccatos une danse narquoise. Benjamin Schmid joue tout le concerto preste, sans s’appesantir, sans effet, cherchant les lignes fluides, les couleurs difractées par un jeu d’archet à la corde, fuyant le style déclamatoire que les virtuoses veulent y mettre, espérant briller à contrario de l’oeuvre.
Il le joue modestement, serrant le texte au plus près, peu soucieux de produire du beau son, fidèle à la manière âpre de quatre interprètes historiques de l’œuvre, Zoltán Székely, Tossy Spivakovsky, Max Rostal et André Gertler et dans le Finale, ardent, acide, fulgurant comme eux, avec le soutien sans cesse sans lourdeur d’un orchestre dirigé vif par Tibor Bogányi qui dirige comme il peindrait les paysages dans lesquels il vit.
Album magnifique, qui saisit la vérité de ces deux œuvres. Schmid serait bien inspiré de nous donner les trois Sonates.
LE DISQUE DU JOUR
Béla Bartók (1881-1945)
Concerto pour violon et orchestre No. 1, Op. posth., Sz. 36
Concerto pour violon et orchestre No. 2, Sz. 112
Benjamin Schmid, piano
Pannon Philharmonic Orchestra
Tibor Bogányi, direction
Un album du label Gramola 2018-07-15
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Photo à la une : © DR
Gulli ou l’ardeur
12 mai 1958, Franco Gulli enregistre pour le Club Français du Disque le Concerto de Beethoven, son archet arde, le style est parfait mais surtout comme cela chante !, jusque dans des aigus de colorature, admirablement éclairés de l’intérieur. Quel violoniste !
On l’aura trop oublié, la faute à un héritage discographique dispersé sur plusieurs labels dont beaucoup ont sombré corps et bien : ainsi, les bandes de ses deux intégrales des Sonates de Beethoven avec son épouse Enrica Cavallo dorment quelque part, laissant les éditeurs d’aujourd’hui avec les seuls microsillons pour sources. C’est le cas de cet album Urania, aux reports pourtant soignés, et qui tire de la seconde intégrale (celle pour Angelicum, une première pour le Club Français du Disque avait précédé de peu) une Kreutzer et une Printemps qui visent à un classicisme apollinien, la signature de son art la maturité atteinte, et qui se prolongera jusqu’à la parfaite intégrale des Concertos de Mozart qu’il gravera en 1989 pour Claves à l’invitation de Marguerite Dütchler.
Le Grand Duo de Schubert, capté en concert à Lugano le 9 juillet 1959, montre un archet moins lisse, qui chante avec des timbres de quasi mezzo, et dans l’acoustique de la salle de concert, l’ampleur de sa sonorité rayonne, captivante. Mais le style, en plus de cette ardeur si noble du jeu, lui est vraiment tout et s’illustre dans le Concerto de Mendelssohn enregistré chez lui à Venise, avec l’Orchestre de la Fenice à nouveau par les micros du Club Français du Disque.
Double album précieux qui documente un art majeur, mais Franco Gulli mériterait bien un fort coffret regroupant tout son legs : quel éditeur saura nous le proposer ?
LE DISQUE DU JOUR
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 61
Sonate pour violon et piano No. 9 en la majeur, Op. 47 « Kreutzer »
Sonate pour violon et piano No. 5 en la majeur, Op. 24 « Printemps »
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour violon et piano en la majeur, Op. 162, D. 574 « Grand Duo »*
Felix Mendelssohn-Bartholdy (1810-1849)
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en mi mineur, Op. 64
Franco Gulli, violon
Enrica Cavallo, piano
Orchestre de l’Association des Concerts Lamoureux (Beethoven)
Rudolf Albert, direction (Beethoven)
Orchestre du Théâtre de la Fenice de Venise (Mendelssohn)
Ettore Gracis, direction (Mendelssohn)
Un album de 2 CD du label Urania WS121365
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Photo à la une : © DR
Concerto de chanteuse
Le Concerto de Korngold, écrit pour Heifetz et littéralement cousu de musiques pour Hollywood, enchante les violonistes de la jeune génération depuis que Gil Shaham l’a en quelque sorte ressuscité, je n’y attendais pourtant pas Liza Ferschtman dont la relecture radicale du Concerto de Beethoven m’avait tant surpris, j’avais tort.
Son archet lyrique déploie les phrases passionnées du Moderato si loin, et elle vous emporte au cœur de la Romanze, vrai nocturne en nuit américaine envoûtant jusque dans des pianissimos sorciers, mais c’est dans l’esprit scherzando fantastique du Finale que son art flamboie. Heifetz n’a qu’à bien se tenir, car ce violon plein d’esprit se cabre et sifflote avec une liberté confondante d’accents, de rythmes, d’apartés, tout cela fuse d’autant que l’Orchestre Symphonique de Prague caracole sous la baguette ailée de Jiří Malát, je me laisse griser jusqu’à la coda, surpris soudain d’entendre un public exulter. En plus, on est au concert !
Tout comme pour la Sérénade déduite du Banquet de Platon par Leonard Bernstein, suite de portraits où le violon s’enflamme puis songe, opus magique que Liza Ferschtman joue ave ardeur, sans les effets de suspens qu’y mettait Gidon Kremer et c’est tant mieux : l’ouvrage y gagne sa place de classique du XXe siècle, comme sous l’archet de Kolja Blacher tout récemment (j’y reviendrai).
Et maintenant, si Liza Ferschtman se penchait sur les Concertos de Grażyna Bacewicz ? Ils semblent écrits pour elle et ne sont guère courus au disque malgré l’intégrale de Joanna Kurkowicz et de Łukasz Borowicz pour Chandos.
LE DISQUE DU JOUR
Erich Wolfgang Korngold (1897-1957)
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, Op. 35
Leonard Bernstein (1918-1990)
Sérénade pour violon et orchestre d’après le « Banquet » de Platon
Liza Ferschtman, violon
Orchestre Symphonique de Prague (Korngold)
Jiří Malát, direction (Korngold)
Het Gelders Orkest (Bernstein)
Christian Vásquez, direction (Bernstein)
Un album du label Challenge Classics CC72755
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Photo à la une : © Jonathan Zizzo
Le concerto oublié
Un violoneux qu’on croirait échappé d’un conte de Janáček hante le Concerto que Paul Juon composa en 1909, à Berlin, alors qu’il se liait d’amitié avec Joseph Joachim, partition aventureuse où la poésie prend la forme en défaut Continuer la lecture de Le concerto oublié