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Miroirs

La belle idée : mettre en regard deux compositeurs du passé avec deux maîtres du XXe siècle qui auront reconnu leurs œuvres dans les leurs.

Les deux confrontations sont également fascinantes : les brèves fantaisies solaires de Scarlatti s’atomisent dans les diffractions lumineuses des Encores de Berio, les unes comme les autres faisant assaut de poésie avec une touche d’étrangeté qu’Andrea Lucchesini dose en magicien. Quel pianiste !, qui aura trop longtemps été absent au disque, et est resté fidèle à ses exigences intellectuelles.

Aussi réussi que soit le doublé Scarlatti/Berio, il n’est au fond qu’un divertissement, alors que la confrontation entre les Moments musicaux de Schubert et Idyll and Abyss de Jörg Widmann se nourrit à deux cahiers essentiels de la littérature pianistique, deux cycles que tout rapproche.

Impossible de ne pas céder devant cette correspondance qui célèbre de flagrantes affinités électives, impossible surtout de ne pas s’apercevoir qu’on tient là une des plus belles versions des Moments musicaux. Qui les faisait si lyriques, si intenses ? Vladimir Sofronitzky

LE DISQUE DU JOUR

Domenico Scarlatti
(1685-1757)
Sonate en fa majeur, K. 491
Sonate en sol majeur, K. 454
Sonate en fa mineur, K. 239
Sonate en fa mineur, K. 466
Sonate en la majeur, K. 342
Sonate en sol majeur, K. 146
Luciano Berio (1925-2003)
6 Encores pour piano
Franz Schubert (1797-1828)
6 Moments musicaux, Op. 94, D. 780
Jörg Widmann (né en 1973)
Idyll and Abyss – 6 Réminiscences de Schubert

Andrea Lucchesini, piano

Un album du label Audite 97704
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Photo à la une : © DR

Discours du Prince

En musardant dans le 5e volume de cette patiente intégrale – ou anthologie, je ne sais plus trop quel est le souhait final de Pierre Hantaï – d’où me vient le sentiment que l’ombre de Gustav Leonhardt s’y profile plus qu’en aucun des précédents ? Ombre projetée par un vaste soleil, cela va sans dire.

Car si la danse est toujours aussi présente, elle se stylise, s’épure, Pierre Hantaï écoutant plus l’harmonie, stupéfiante, que le mouvement impérieux : les lignes chantent, l’espace du clavecin s’ouvre, plus vaste, plus audacieux, et lorsque il fait résonner le thème des Cyclopes de Rameau dont Scarlatti fit son miel pour le quasi fandango de la Sonate K. 475, c’est tout l’univers des claviéristes européens qui prend forme, comme précipité dans la langue scarlattienne qui les résumerait tous, de Bach à Rameau, en de fulgurantes ellipses.

Stupéfiant portrait d’une œuvre démiurgique qui juge et jauge ses contemporains mais aussi l’histoire de l’instrument, que le claveciniste français anime avec sa verve coutumière, son sens des couleurs qu’il jette à foison, surtout cette volonté de tout exposer du texte, ce qui chez Scarlatti exalte l’incroyable modernité d’une syntaxe que les Espagnols feront perdurer sans jamais pouvoir en retrouver le génie si libre, si altier.

Il faut dire que le si rayonnant clavecin conçu en 2004 par Jonte Knif d’après des instruments allemands du XVIIIe siècle est en soi une invention sonore dont les timbres, le clavier chantant, l’ampleur rayonnante s’accordent parfaitement à l’univers de Scarlatti, c’est aussi l’intelligence du programme qui fait tout le prix de ce nouveau volume, où alternent sur un plan savamment agencé par concordance de tonalités des sonates courues et d’autres moins jouées qui sont toujours de singulières découvertes, surtout modelées ainsi dans toute leur densité de rythmes et d’épices harmoniques. Vite, la suite.

LE DISQUE DU JOUR

Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonates, Vol. 5
Sonate pour clavier en si bémol majeur, K. 551
Sonates pour clavier en mi bémol majeur, K. 474, 475, 252 & 253
Sonates pour clavier en sol majeur, K. 547 & 124
Sonate pour clavier en si mineur, K. 87
Sonate pour clavier en mi majeur, K. 28
Sonate pour clavier en la majeur, K. 211
Sonates pour clavier en ré majeur, K. 401, 388 & 277
Sonate pour clavier en ut majeur, K. 157
Sonate pour clavier en fa mineur, K. 238
Sonate pour clavier en fa majeur, K. 205

Pierre Hantaï, clavecin

Un album du label Mirare MIR326
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Photo à la une : © Jean-Baptiste Millot