Tout juste un peu plus de trente neuf minutes… Dès le motif qui ouvre le Troisième Concerto, motif dont toute la musique de l’œuvre va dévier, Michael Korstick impose un tempo vif, clavier fulgurant, timbres précis d’un jeu gymnaste Continuer la lecture de L’autre Empereur
Archives par mot-clé : Eugene Ormandy
Archet transatlantique
8 septembre 1951, seule apparition de Zino Francescatti aux Prom’s : occasion oblige, il dégaine son fabuleux Premier Concerto de Paganini qu’il avait gravé pour la CBS l’année précédente sous la direction très grand caractère d’Eugene Ormandy. Continuer la lecture de Archet transatlantique
Violon Soleil
Vous y avez songé, mais Sony ne l’a pas (encore) fait. Le coffret Milestones regroupant les enregistrements des années américaines de Zino Francescatti qui firent sa gloire internationale est donc une aubaine, prix ridicule, reports parfaits et audiblement Continuer la lecture de Violon Soleil
Gilels transatlantique (et pas seulement)
Sony/RCA regroupe dans un de ces boitiers dont il a le secret – programmes et pochettes originaux – tous les disques qu’Emil Gilels enregistra lors de ses tournées aux États-Unis. Douze séries de récitals s’échelonnant entre 1955 et 1983 furent l’occasion de détours par les studios d’enregistrement de Victor de 1955 à 1964, de quelques collaborations détonantes (et passionnantes) avec Fritz Reiner ou d’une concordante avec Eugene Ormandy pour un mi mineur de Chopin classiquissime.
Signe révélateur, la première œuvre enregistrée, à Chicago avec Reiner, sera aussi la dernière, cette fois live à New York avec Mehta : le Premier Concerto de Tchaïkovski, d’un style parfait, d’un pianisme inébranlable à travers les années. Capté en 1979, quinze ans après le dernier passage en studio du pianiste russe pour le label américain, le second enregistrement montre Gilels dans un soir de folie comme il en connaissait plus souvent qu’à son tour en concert. C’est lui qui mène la danse du Finale, impérieux et inventif, Mehta n’a que le suivre. Quelle ivresse et pourtant quel contrôle !
Pourtant dans le répertoire concertant, le Deuxième de Brahms avec Reiner paraît bien plus impérissable, ballade sombre de ton, classique de dessin, où le pianiste et le chef semblent se défier.
Les disques en solo sont parfois moins connus : deux Sonates de Schubert minérales, tendues, refusant tout charme, rappellent qu’il fut chez lui ici autant que Richter, sinon plus rarement. La Sonate de Liszt, construite, menée avec une tension rentrée, en bluffera plus d’un. Et cette 5e Suite française dite très large, dans un climat d’intimité assez schubertien, comment avais-je pu l’oublier ? Le Bach de Gilels, rare, est toujours proprement sidérant, il va au cœur du discours.
Mais enfin, la grande affaire de Gilels, qui pourtant ne méprisa jamais le studio d’enregistrement, reste le concert, ce que vient rappeler opportunément la parution inattendue sous étiquette jaune d’un récital donné à Seattle le 6 décembre 1964, dont on doit la publication à Jed Distler qui par ailleurs signe la notice du coffret RCA.
Soirée historique, ne serait-ce que pour les paysages fulgurants que Gilels peint à fresque dans la Waldstein qui ouvre le concert (un « mute » malheureux entre la fin de l’Adagio et le début du Rondo aurait tout de même pu être corrigé). Qui joua cette Sonate avec tant de présence, de sens de l’improvisation comme de la structure avant lui ? Rudolf Serkin fut bien le seul, et décidément le Beethoven de Gilels est un pur chef-d’œuvre.
Le style parfait qu’il met au Variations « Don Giovanni » de Chopin en épatera plus d’un, les Français (Premier Livre des Images, Alborada grinçante, où tout un orchestre imaginaire entre dans le piano) comme toujours sonnent fabuleusement, mais la Troisième Sonate de Prokofiev semble expédiée (et ça et là un peu « de mémoire »), la Danse russe de Pétrouchka, bis favori, éclate de couleurs et d’élans, d’une voracité de rythmes et de sons insensée. Pourtant, rien ne va aussi loin dans la soirée, en tous cas musicalement, que l’incroyable Waldstein qui l’ouvrait. Et soudain, je me dis que Jed Ditsler ferait bien de continuer à explorer les captations américaines des concerts d’Emil Gilels, qui ce soir-là concluait la fête avec un Prélude en si mineur de Bach/Siloti profond comme un rubis, ardent comme un diamant.
Tirant le premier – ce 19 octobre, on célébre le centenaire de la naissance d’Emil Gilels, l’occasion également de la parution chez Melodiya d’un vaste tonne – Deutsche Grammophon a eu soin de rassembler dans un coffret exemplaire tout ce que le pianiste russe aura consenti au label jaune, héritage couronné dans ses ultimes années par cette intégrale des Sonates de Beethoven incomplète, à l’égal de celle de Rudolf Serkin : les deux génies beethovéniens de la seconde moitié du XXe siècle auront laissé leurs grands œuvres inachevés.
LE DISQUE DU JOUR
Emil Gilels
The Complete RCA and Columbia Album Collection
Piotr Ilyich Tchaikovski (1840-1893)
Concerto pour piano No. 1
en si bémol majeur, Op. 23
(2 versions)
Johannes Brahms (1833-1897)
Concerto pour piano No. 2 en si bémol majeur, Op. 83
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano No. 17 en ré majeur, D. 850, « Gasteiner »
Sonate pour piano No. 14 en la mineur, D. 784
Franz Liszt (1811-1886)
Sonate en si mineur, S. 178
Dmitri Shostakovich (1906-1975)
Sonate pour piano No. 2 en si mineur, Op. 61
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Suite française No. 5 en sol majeur, BWV 816
Prélude en si mineur (arr. Siloti)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Concerto pour piano No. 1 en mi mineur, Op. 11
Emil Gilels, piano
Chicago Symphony Orchestra
The Philadelphia Orchestra
New York Philharmonic Orchestra
Fritz Reiner, direction (Tchaïkovski, Brahms)
Eugene Ormandy, direction (Chopin)
Zubin Mehta, direction (Tchaïkovski)
Un coffret de 7 CD du label RCA/Sony 8875177312
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Emil Gilels
The 1964 Seattle Recital
Ludwig van Beethoven (1770-1828)
Sonate pour piano No. 21
en ut majeur, Op. 53,
« Waldstein »
Frédéric Chopin (1810-1849)
Variations sur « Là ci darem la mano » de « Don Giovanni »
de Mozart, Op. 2
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Sonate pour piano No. 3 en la mineur, Op. 28
Visions fugitives, Op. 22 (extraits : Nos. 1, 3, 5, 10, 11 & 17)
Claude Debussy (1862-1918)
Images, Livre 1, L. 110
Maurice Ravel (1875-1937)
Miroirs, M.43 (extrait : IV. Alborado del gracioso)
Igor Stravinski (1882-1971)
Trois Mouvements de Petrouchka (extrait : I. Danse russe)
Emil Gilels, piano
Un album du label Deutsche Grammophon 4796288
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Emil Gilels
The Complete Recordings
on Deutsche Grammophon
Œuvres d’Alabiev, Beethoven, Brahms, Chopin, Fauré, Grieg, Haydn, Kabalevsky, Liszt, Medtner, Mendelssohn,
Mozart, Prokofiev, Scarlatti, Schubert, Schumann
Emil Gilels, piano
Un coffret de 24 CD du label album du label Deutsche Grammophon 4794651
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Photo à la une : © DR
De l’art de bien rééditer, Vol. 25 : Le cas Istomin
Eugene Istomin ? Le pianiste du trio qu’il forma avec Isaac Stern et Leonard Rose, voilà le seul titre de gloire de ce musicien hors pair qui fut le plus discret des concertistes américains apparus au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Éclipsé Continuer la lecture de De l’art de bien rééditer, Vol. 25 : Le cas Istomin